
À Bamako, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont officiellement lancé une nouvelle étape de leur coopération sécuritaire. Les trois pays sahéliens ont rendu opérationnelle la Force unifiée de l’Alliance des États du Sahel, conçue pour répondre directement à la menace terroriste. Ce dispositif militaire commun symbolise une volonté assumée de coordination renforcée et d’autonomie stratégique.
Il consacre aussi la rupture politique avec les cadres régionaux traditionnels jugés inefficaces face à l’urgence sécuritaire.
Une nouvelle architecture de défense à Bamako
C’est dans la capitale malienne que le général Assimi Goïta, président de la transition du Mali et actuel président de la Confédération de l’AES, a présidé la cérémonie de remise de l’Étendard. Cet acte symbolique lance officiellement l’entrée en activité d’une armée multinationale dont l’objectif est précis : sécuriser l’espace sahélien face à une instabilité qui perdure depuis plus d’une décennie. Cette montée en puissance ne se limite pas à une simple déclaration d’intention. Elle s’incarne par la mise en place immédiate d’un poste de commandement conjoint basé à Niamey, au Niger. Ce centre névralgique sera chargé de coordonner les opérations sur le terrain et d’assurer une fluidité tactique entre les différents bataillons issus des trois pays membres.
Cinq mille hommes sous un commandement unique
Le visage de cette nouvelle force est celui du général Daouda Traoré. Originaire du Burkina Faso, il a été officiellement désigné pour prendre la tête de ce contingent de 5 000 soldats. Ces troupes, aguerries par des années de combat asymétrique, auront pour mission prioritaire de traquer les groupes armés terroristes qui exploitent la porosité des frontières pour mener leurs assauts. Pour le commandement de l’AES, l’enjeu est d’anticiper les mouvements de l’ennemi plutôt que de simplement réagir. Le déploiement de ces bataillons dédiés vise à créer un maillage territorial serré, capable d’intervenir rapidement dans les zones de « trois frontières », là où la menace est la plus vive.
Une riposte globale face aux menaces hybrides
Lors de son allocution, le général Assimi Goïta a souligné que la guerre que mène l’AES n’est pas uniquement militaire. Selon lui, les trois États font face à une triple menace : armée, économique et médiatique. Cette vision globale explique pourquoi l’Alliance ne se contente pas de déployer des chars et des fusils, mais investit également le champ de l’information. Pour contrer ce qu’il qualifie de « terrorisme médiatique« , l’Alliance a annoncé le lancement de ses propres outils de communication, notamment une chaîne de télévision, une radio et une presse écrite estampillées AES. Cette stratégie vise à réapproprier le récit national et régional, tout en luttant contre la désinformation qui, selon les dirigeants sahéliens, participe à la déstabilisation de leurs pays respectifs.
Le divorce définitif avec la CEDEAO
L’activation de cette force unifiée consacre également la rupture consommée avec les organisations régionales traditionnelles. Après avoir tourné le dos à la CEDEAO suite aux coups d’État successifs et aux sanctions qui ont suivi, le Mali, le Burkina Faso et le Niger confirment leur retrait définitif, effectif depuis janvier 2025. En bâtissant leur propre système de défense et de coopération politique, les membres de l’AES affirment une souveraineté qu’ils jugent incompatible avec les exigences de l’organisation sous-régionale basée à Abuja. Le lancement de la Force unifiée n’est donc pas seulement un acte militaire, c’est un message politique fort envoyé au reste du continent : le Sahel entend désormais voler de ses propres ailes, quel qu’en soit le prix.




