
Malgré l’arrivée de Wagner puis de l’Africa Corps, les interventions sécuritaires russes peinent à inverser la dynamique djihadiste au Sahel. Du Mali au Niger, en passant par le Burkina Faso, les attaques meurtrières se multiplient et soulignent les limites d’une stratégie militaire isolée.
La Russie s’est engagée à rendre le Sahel plus sûr. Or, sa promesse s’est révélée largement illusoire tant la région demeure le théâtre d’une expansion sans précédent de la violence djihadiste. Et ce, malgré un déploiement russe massif.
Profondeur des liens russo-sahéliens
Depuis 2021, la Russie a profité de la rupture entre les pouvoirs militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger et leurs partenaires occidentaux pour y renforcer sa présence, en particulier à travers la société paramilitaire Wagner. Parallèlement, Moscou approfondit ses relations économiques via des accords stratégiques tels que celui de juillet 2025 entre Rosatom et le Niger, centré sur l’énergie nucléaire, la médecine et la formation professionnelle.
Impact réel des interventions sécuritaires russes
L’espoir initial d’un renversement rapide de la dynamique djihadiste avec l’arrivée du groupe Wagner s’est heurté à une réalité plus sombre. Si l’armée malienne, soutenue par Wagner, a repris un bastion rebelle en 2023, l’intensification des attaques menées par des groupes liés à al-Qaïda, comme le JNIM, a largement éclipsé ces succès ponctuels. En 2024, une attaque d’envergure visant Bamako a coûté la vie à plus de 70 personnes, illustrant ainsi le maintien du rythme opérationnel des groupes armés malgré la présence russe.
Au Burkina Faso, le conflit a viré à des proportions quasi-civiles : les décès cumulés excèdent 20 000 et deux millions de personnes ont été déplacées depuis 2015. Malgré la présence accrue de forces étrangères, l’ampleur du conflit local y rivalise désormais avec celle de pays largement plus peuplés comme le Nigeria .
Au Niger, où des instructeurs russes forment désormais l’armée nationale, la vulnérabilité demeure patente, en témoignent les attaques meurtrières comme celle de mars 2025 à l’ouest du pays attribué à l’État islamique-Sahel.
Limites structurelles et réaction locale
L’efficacité de la Russie est questionnée à l’aune de plusieurs facteurs. D’abord, le retrait partiel de Wagner en 2024, officiellement dû à « l’accomplissement de sa mission principale », trahit en réalité une usure sur le terrain face aux pertes infligées par les groupes djihadistes et rebelles. Les effectifs russes demeurent dérisoires par rapport au vide laissé après le départ d’environ 18 000 soldats issus des forces de maintien de la paix françaises et onusiennes. Moscou peine aujourd’hui à compenser ces départs, d’autant que ses propres ressources militaires sont sollicitées sur le front ukrainien.
Le remplacement de Wagner par l’Africa Corps, présenté comme plus centré sur l’encadrement et la sécurisation des actifs, maintient l’objectif stratégique russe mais sans jamais parvenir à rétablir la sécurité locale.
Expansion de la menace djihadiste et perceptions régionales
Selon l’Indice mondial du terrorisme, le Sahel est désormais l’épicentre mondial des violences extrémistes, causant plus de la moitié des décès dus au terrorisme dans le monde. Les analystes locaux constatent que les groupes armés sont plus audacieux et mobiles depuis le retrait occidental, exploitant la faiblesse structurelle des forces locales et leur dépendance à un appui extérieur limité et souvent mal adapté aux réalités du terrain. Parallèlement, les forces russes se révèlent sous-dimensionnées et épuisées, incapables d’enrayer l’expansion de groupes comme le JNIM au-delà du Mali, jusque dans des pays voisins tels que le Togo ou le Bénin.
Tandis que la rhétorique officielle russe promet une intensification de l’aide, les experts soulignent que l’absence de stratégies de développement humain et la précarité chronique dont souffrent les populations du Sahel compromettent toute stabilisation à long terme.