
Alors que l’Afrique détient 60% du potentiel solaire mondial, seuls quelques pays parviennent à transformer cette richesse naturelle en électricité. Entre méga-projets pharaoniques, ambitions industrielles et défis de financement, trois nations émergent comme les locomotives d’une révolution énergétique qui pourrait changer le destin de 600 millions d’Africains privés d’électricité.
Le paradoxe africain du solaire tient en quelques chiffres vertigineux : le continent reçoit suffisamment de rayonnement pour produire 60 millions de térawattheures par an, de quoi alimenter 40% de la planète en électricité. Pourtant, avec seulement 21,5 gigawatts de capacité installée en 2024, l’Afrique ne représente que 2% de la capacité solaire mondiale. Cette équation déséquilibrée commence toutefois à basculer sous l’impulsion de trois pays qui concentrent investissements, innovations et ambitions
L’Égypte mise sur la production industrielle pour dominer le marché continental
Dans le désert d’Assouan, là où le soleil frappe avec une intensité rare, s’étend à perte de vue le parc solaire de Benban. Ses 1,65 gigawatts de panneaux photovoltaïques racontent l’ambition égyptienne de devenir l’usine solaire de l’Afrique. Le pays des pharaons ne fait pas dans la demi-mesure.
Mais la véritable révolution se joue dans les zones industrielles. Trois gigafactories sortent de terre, promettant de bouleverser la dépendance africaine aux importations chinoises. EliTe Solar ouvrira ses portes en septembre 2025 avec une capacité de production de 3 gigawatts, suivie par Sunrev Solar et ses 2 gigawatts en 2026. Le mastodonte Masdar, avec ses 4 gigawatts prévus, positionnera définitivement l’Égypte comme le hub manufacturier solaire du continent.
Le Caire rêve d’exporter son électricité verte vers l’Europe via des câbles sous-marins et de devenir le champion africain de l’hydrogène vert. Les investisseurs internationaux l’ont compris : avec des tarifs tombés à 2 cents le kilowattheure pour le solaire, l’Égypte offre l’équation parfaite entre ensoleillement exceptionnel, stabilité relative et ambition gouvernementale.
Le Maroc et l’Afrique du Sud, entre innovation technologique et défis structurels

Face aux pyramides égyptiennes, le royaume chérifien oppose ses tours solaires futuristes. Le complexe Noor Ouarzazate, avec ses miroirs paraboliques s’étendant sur des milliers d’hectares dans le désert, incarne une approche différente mais tout aussi ambitieuse. Avec 580 mégawatts de capacité en solaire concentré, le Maroc a choisi la technologie de pointe plutôt que le volume brut. Cette stratégie lui permet de stocker l’énergie sous forme de sels fondus et de produire de l’électricité même après le coucher du soleil, un avantage crucial pour la stabilité du réseau.
L’objectif marocain de générer 52% de son électricité à partir du solaire d’ici 2030 nécessite des investissements colossaux : 40 milliards de dollars selon les dernières estimations gouvernementales. Le pays a déjà porté la part des renouvelables à 45% de son mix électrique, une performance remarquable qui masque cependant des défis persistants. La dépendance aux importations de panneaux chinois, avec 915 mégawatts importés en 2024, expose le royaume aux aléas géopolitiques et aux fluctuations de prix.
L’Afrique du Sud, quant à elle, illustre les contradictions d’un géant aux pieds d’argile. Premier importateur continental de panneaux solaires avec 3,8 gigawatts en 2024, le pays reste paradoxalement englué dans sa dépendance au charbon. Son programme REIPPPP a certes attiré 16 milliards de dollars d’investissements depuis son lancement, mais les coupures d’électricité chroniques qui paralysent régulièrement l’économie révèlent les limites d’une transition énergétique entravée par les pesanteurs politiques et les intérêts charbonniers.
La course au leadership solaire africain ne fait que commencer. Derrière le trio de tête, des outsiders comme le Nigeria, avec ses 28 gigawatts de générateurs diesel à remplacer, ou le Kenya, fort de son expérience en géothermie, pourraient créer la surprise. L’Algérie avec ses vastes étendues désertiques développe aussi rapidement les énergies renouvelables.
Mais au-delà des classements, l’enjeu reste titanesque : comment passer de 2,5 gigawatts installés annuellement à l’échelle continentale aux 23 gigawatts prévus d’ici 2028 ? La réponse déterminera si l’Afrique restera spectatrice ou deviendra actrice de la révolution solaire mondiale.