
Le parti d’opposition sud-africain Alliance Démocratique (DA) a déposé une proposition de loi visant à remplacer les politiques de discrimination positive fondées sur la race par un système basé sur des critères socio-économiques. Cette initiative relance le débat sur l’efficacité des mesures de transformation post-apartheid dans un pays toujours marqué par de profondes inégalités.
Bien que le parlement sud-africain soit dominé par le parti au pouvoir, le Congrès National Africain (ANC), l’opposition, notamment l’Alliance Démocratique (DA), a déposé une proposition de loi qui suscite un débat intense sur l’avenir du programme de transformation de l’Afrique du Sud.
La DA propose d’abroger les lois de discrimination positive (Black Economic Empowerment – BEE) qui favorisent actuellement les citoyens noirs dans l’emploi et les marchés publics. Le parti affirme vouloir remplacer ces mesures par un modèle basé sur des critères de pauvreté, visant à autonomiser tous les Sud-Africains défavorisés, quelle que soit leur origine ethnique.
« Ce projet de loi vise à remplacer les politiques inefficaces d’autonomisation de l’ANC, qui ont laissé des millions de Sud-Africains sans emploi, appauvris et en difficulté. Environ 44 millions de citoyens vivent encore dans la pauvreté, 12 millions sont au chômage et le pays demeure l’un des plus inégalitaires au monde. Les administrations successives de l’ANC n’ont pas réussi à s’attaquer aux causes profondes des inégalités, mettant en œuvre des politiques d’approvisionnement grossières et raciales qui profitent à une minorité au détriment de la population en général », a déclaré Matthew Cuthbert, le responsable des politiques de la DA.
Un contexte politique national et international tendu
Bien que cette loi ait peu de chances d’être adoptée par le parlement dominé par l’ANC, la proposition marque un tournant dans le débat politique sud-africain. Le contexte international ajoute une dimension supplémentaire à cette controverse, notamment avec les récentes critiques du président américain Donald Trump, qui a accusé le pays de pratiquer une « discrimination à rebours » concernant ses politiques d’autonomisation économique des Noirs.
Le débat soulève des questions fondamentales sur l’équilibre entre justice réparatrice et efficacité économique. Les politiques de BEE, introduites après la fin de l’apartheid en 1994, visaient à corriger les injustices historiques en favorisant l’accès des populations noires aux opportunités économiques. Cependant, après trois décennies de mise en œuvre, leurs résultats restent mitigés. Les critiques pointent du doigt la corruption, le népotisme et l’émergence d’une élite noire enrichie, tandis que la majorité de la population reste dans la pauvreté.
Certains observateurs craignent néanmoins qu’abandonner trop rapidement les réparations fondées sur la race pourrait compromettre les progrès réalisés depuis 1994. Ils soulignent que les inégalités raciales restent profondément enracinées dans la société sud-africaine et que des mesures ciblées restent nécessaires pour les combattre efficacement.
Des enjeux électoraux cruciaux pour l’ANC
Avec ce projet de loi, les enjeux deviennent de plus en plus importants pour l’ANC. Défendre des politiques fondées sur la race est essentiel pour maintenir sa légitimité politique auprès de son électorat noir majoritaire et préserver son autorité morale en matière de transformation sociale.
L’approche des élections générales de 2026 intensifie ces tensions. Les questions d’inégalités, de chômage et de justice sociale seront au cœur de la campagne électorale. L’ANC, qui a perdu sa majorité absolue lors des dernières élections, doit naviguer entre la nécessité de réformes économiques et le maintien de son soutien électoral traditionnel.
La proposition de la DA, bien qu’ayant peu de chances d’aboutir dans l’immédiat, pourrait influencer le débat public et forcer l’ANC à reconsidérer ou à défendre plus vigoureusement ses politiques de transformation. Le défi pour l’Afrique du Sud reste de trouver un équilibre entre la nécessité de réparer les injustices du passé et celle de construire une société plus inclusive et économiquement viable pour tous ses citoyens.