Sénégal – FMI : une négociation cruciale à Washington pour restaurer la confiance


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Ousmane Sonlo, Premier ministre du Sénégal
Ousmane Sonlo, Premier ministre du Sénégal

Une nouvelle page s’écrit pour les finances publiques du Sénégal. Alors que le pays traverse une crise économique sans précédent, une délégation officielle menée par le ministre des Finances, Cheikh Diba, est arrivée à Washington pour entamer des négociations décisives avec le Fonds monétaire international (FMI). Objectif : conclure un nouvel accord de financement, rétablir la transparence budgétaire et sortir de l’impasse financière.

Une mission sous haute pression pour la « Dream Team » sénégalaise

La délégation sénégalaise, surnommée par certains médias locaux la « Dream Team », est composée de hauts responsables économiques et techniques du gouvernement. Leur présence à Washington, du 13 au 18 octobre 2025, coïncide avec les assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale, un cadre propice à des discussions stratégiques sur l’avenir économique du pays.

Cette rencontre intervient dans un contexte tendu : depuis plusieurs mois, le FMI a suspendu ses décaissements en raison de données budgétaires erronées communiquées par le précédent gouvernement. De grandes irrégularités dans la comptabilisation de la dette et du déficit public ont jeté un froid entre Dakar et ses partenaires internationaux.

Un déficit abyssal et une dette préoccupante

Selon les dernières estimations, le déficit budgétaire du Sénégal atteint 14 % du PIB, tandis que la dette publique s’élève à 119% du PIB, des niveaux jugés insoutenables. À l’origine de cette situation : la découverte de près de 7 milliards de dollars de dette non déclarée entre 2019 et 2024, selon un rapport conjoint du FMI et de la Cour des comptes.

Le Fonds monétaire international a qualifié ces omissions de « déclarations erronées significatives », remettant en cause la fiabilité des statistiques financières du Sénégal. La suspension du programme d’aide de 1,8 milliard d’euros en a été la première conséquence directe.

Le FMI prêt à soutenir, mais sous conditions

Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, s’est récemment exprimée pour saluer les efforts de transparence du nouveau gouvernement dirigé par le Premier ministre Ousmane Sonko. Elle a confirmé l’ouverture de négociations autour d’un nouveau programme d’assistance financière, tout en insistant sur l’importance de rétablir la discipline budgétaire et la rigueur dans la gestion des comptes publics.

« Le FMI est prêt à agir rapidement, à condition que les engagements nécessaires soient pris », a déclaré Georgieva lors d’un point de presse à Washington. L’affaire de la « dette cachée » a relancé les tensions entre l’actuel régime et celui de l’ex-Président Macky Sall. Ce dernier rejette en bloc les accusations. Dans son nouveau livre « L’Afrique au cœur », et lors d’un entretien accordé à Julia Pecquet (ACFRONTPAGE), Macky Sall qualifie l’idée même d’une dette cachée de « non-sens ».

Une transition politique qui alimente le débat

« Une dette publique ne peut pas être dissimulée. Elle passe par des institutions régionales et nationales de contrôle comme la BCEAO, la Cour des comptes et le Parlement », a-t-il martelé. Le nouveau gouvernement, pour sa part, affirme que plusieurs paiements directs à l’étranger n’ont pas été intégrés dans les circuits comptables officiels, laissant planer le doute sur la gestion antérieure.

Face à la méfiance des marchés financiers, le gouvernement sénégalais a lancé en septembre un emprunt obligataire de 300 milliards de francs CFA destiné à mobiliser la diaspora. Un plan de consolidation budgétaire a également été présenté, avec pour ambition de ramener le déficit à 3% du PIB d’ici 2027.

Parmi les réformes clés envisagées :

  • Centralisation des entités de gestion de la dette
  • Mise en place d’un compte unique du Trésor
  • Réduction progressive des subventions
  • Maîtrise des dépenses publiques

Le Premier ministre Sonko a toutefois exclu toute politique d’austérité, mettant en avant les revenus futurs attendus du pétrole et du gaz pour soutenir la croissance.

Un test de crédibilité pour le Sénégal

Au-delà des chiffres, ce bras de fer avec le FMI est un test de crédibilité pour le Sénégal sur la scène internationale. La réussite des négociations conditionne non seulement la reprise des financements suspendus, mais aussi le retour de la confiance des investisseurs et partenaires internationaux. Dans cette optique, plusieurs voix appellent à un audit indépendant et transparent de la gestion passée, afin de clarifier définitivement l’affaire des chiffres falsifiés.

Macky Sall lui-même a déclaré attendre les « termes de référence » de cet audit annoncé par les nouvelles autorités. Les discussions en cours à Washington cristallisent les enjeux d’une transition politique encore fragile et d’une reconstruction de la gouvernance budgétaire.

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Une plume qui balance entre le Sénégal et le Mali, deux voisins en Afrique de l’Ouest qui ont des liens économiques étroits
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