RDC : séisme politique à Kinshasa avec la fin de l’Immunité pour Joseph Kabila


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Joseph Kabila
Joseph Kabila

Le Sénat de la République Démocratique du Congo (RDC) a levé l’immunité parlementaire de Joseph Kabila, ancien président de la République et sénateur à vie. Avec une écrasante majorité — 88 voix pour, 5 contre et 3 bulletins nuls — la Chambre haute a autorisé l’ouverture de poursuites judiciaires contre lui, une première dans l’histoire récente du pays.

En République Démocratique du Congo (RDC), la Sénat a levé l’immunité parlementaire de Joseph Kabila, ancien chef de l’État rd-congolais. Cette décision, actée le 22 mai 2025, est née de l’approbation d’un rapport explosif émanant d’une commission spéciale, qui examinait le réquisitoire de l’auditeur général près la Haute Cour militaire. Le rapport accuse Joseph Kabila de crimes graves : trahison, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, et participation à un mouvement insurrectionnel, en lien présumé avec la rébellion du M23 et l’Alliance du Fleuve Congo (AFC/M23).

Vers un procès devant la Haute Cour militaire

La levée d’immunité ouvre la voie à une procédure judiciaire inédite contre celui qui a dirigé la RDC pendant 18 ans. En son absence – Kabila est à l’étranger depuis 2023 – ses proches politiques, notamment ceux du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), crient à la manipulation politique, parlant d’une « chasse aux sorcières » orchestrée par le Président actuel, Félix Tshisekedi.

Kabila jouissait de son statut de sénateur à vie selon l’article 104 de la Constitution, un privilège destiné à offrir une protection juridique et un rôle honorifique aux anciens présidents. Sa non-présence devant la Commission sénatoriale le 20 mai a été justifiée par son parti comme un rejet d’une procédure jugée inconstitutionnelle.

Immunité contestée : un flou juridique entretenu

Du côté du PPRD, on conteste la validité même de la procédure. Le secrétaire permanent adjoint du parti, Ferdinand Kambere, soutient que Kabila ne bénéficie pas d’immunités au même titre que les sénateurs élus, et que l’initiative de la levée d’immunité serait donc juridiquement infondée. Il accuse les institutions de confondre statut honorifique et obligation parlementaire.

Selon lui, la démarche est une preuve d’« incompétence institutionnelle » et sert surtout de diversion face à l’incapacité du gouvernement à résoudre la crise sécuritaire dans l’Est du pays, notamment le conflit persistant avec la rébellion du M23.

Le PPRD crie à la diversion politique

Les accusations contre Kabila, selon ses alliés, masquent des échecs du gouvernement, notamment l’incapacité à contenir la rébellion armée dans le Nord-Kivu. Pour eux, le gouvernement actuel cherche à détourner l’attention publique de ses responsabilités. « Ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui sont les vrais artisans du retour du M23 », a accusé Ferdinand Kambere.

Lire aussi : RDC : le PPRD crie au pillage et à la persécution de Joseph Kabila

Joseph Kabila reste une figure centrale, politiquement et symboliquement. Malgré les accusations, il conserve des soutiens influents, y compris dans l’armée et dans sa région natale du Katanga, alimentant les craintes de nouvelles tensions politiques et ethniques.

Une procédure à double tranchant

Martin Milolo, avocat et militant des droits humains, souligne la complexité du dossier, à la fois sur les plans juridique et politique. Il estime que si Kabila peut être poursuivi pour des actes commis après son mandat, sa stature et son influence rendent la démarche risquée. La cohésion nationale, déjà fragile, pourrait être menacée si les poursuites sont perçues comme politisées.

Les conséquences pourraient être multiples : regain du séparatisme dans le Katanga, où Kabila garde une forte popularité, et renforcement de la fracture politique nationale. Certains redoutent même une tentative de coup d’État, comme en témoigne l’ouverture récente d’un procès à Kinshasa contre 40 officiers ayant proclamé avoir pris le pouvoir.

Harcèlement politique ou justice légitime ?

La tension est exacerbée par des actes concrets contre le PPRD. Le 23 avril, le parti a dénoncé le saccage de son siège national à Kinshasa, attribuant l’attaque à des milices proches du pouvoir. Le gouvernement, de son côté, garde le silence sur ces incidents, alimentant les soupçons d’un acharnement contre les proches de l’ancien Président.

Le ministère de l’Intérieur a par ailleurs suspendu toutes les activités du PPRD sur l’ensemble du territoire, une mesure sans précédent contre un grand parti politique. Les gouverneurs provinciaux ont reçu l’ordre d’appliquer cette suspension, en l’absence pourtant de toute condamnation judiciaire.

Pressions sur les biens de la famille Kabila

La pression ne s’arrête pas là. L’ancienne Première dame, Marie Olive Lembe Kabila, a dénoncé l’occupation de la ferme familiale à Kundelungu par des militaires, qui auraient saccagé les lieux et abattu du bétail. Trois perquisitions ont également été signalées dans d’autres propriétés familiales, officiellement dans le cadre de la recherche de matériel militaire.

Ces interventions musclées, dénoncées comme illégales, renforcent le sentiment de persécution au sein du camp Kabila, d’autant que les accusations paraissent peu étayées publiquement à ce stade. Le pouvoir de Félix Tshisekedi joue une carte dangereuse, en cherchant à affaiblir un rival influent.

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