RDC – Rwanda : accusations de « visées hégémoniques » entre Kinshasa et Kigali


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Paul Kagamé et Félix Tshisekedi
Paul Kagamé et Félix Tshisekedi

Le Président Félix Tshisekedi de la République Démocratique du Congo (RDC) a vivement accusé son homologue rwandais Paul Kagame de vouloir « diviser » la RDC et d’aspirer à l’« annexion » de sa riche province orientale. Il a qualifié de « belliqueuses et hégémoniques » les intentions de Kigali, ainsi que son supposé appui au mouvement rebelle M23. Dans un contexte de crise sécuritaire et diplomatique, Kinshasa entend désormais relancer des pourparlers de paix à Doha, sous la médiation du Qatar, tandis que Kigali rejette les accusations comme étant une mise en scène politique.

L’Est congolais, frontalier du Rwanda et largement pourvu en minerais (cobalt, cuivre, or), constitue, depuis des années, une zone de tension. Lors d’un discours devant des ressortissants congolais en Égypte, Félix Tshisekedi, président de la République Démocratique du Congo (RDC) a rappelé l’enrichissement potentiel de cette région et la crainte, selon lui, que Kigali n’en profite via une complicité avec le M23. Il a accusé le Rwanda de vouloir « occuper, voire annexer l’Est ». Ces propos s’appuient sur des rapports d’experts des Nations Unies selon lesquels le M23 bénéficierait d’un soutien militaire rwandais, allégation rejetée par Kigali.

Échecs diplomatiques et relance des négociations

Kinshasa et Kigali ont manqué une occasion de sceller un accord de paix en décembre 2024, après que le Rwanda eut boudé un sommet à Luanda. À présent, la RDC annonce la reprise « cette semaine » des discussions à Doha, avec pour but de finaliser un deal entre le gouvernement congolais et le M23. Tshisekedi a également évoqué une prochaine rencontre à Washington pour ratifier deux accords : l’un entre la RDC et le M23, l’autre entre la RDC et le Rwanda via les États-Unis comme médiateur. Cette dynamique traduit une volonté d’internationalisation de la médiation, la diplomatie qatarie et américaine en tête, afin de sortir de l’impasse régionale.

Le Rwanda conteste fermement les accusations. Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a qualifié les propos congolais de « théâtre politique ridicule ». Le Président Kagame, quant à lui, accuse la RDC de soutiens envers les milices Hutu des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et présente la coopération avec certains groupes armés congolais comme une menace à sa sécurité nationale. La rhétorique s’est ainsi transformée en accusations réciproques, chacune dépassant la simple gestion de crise pour aborder des notions de souveraineté, de légitimité et de responsabilité historique.

Dénoncer un pillage systémique de ses ressources

L’offensive du M23, qui a repris plusieurs localités dans le Nord-Kivu après 2022, a entraîné des milliers de morts et déplacé des millions d’habitants. Le soutien allégué du Rwanda à ce mouvement suscite la crainte d’une déstabilisation plus large dans la région des Grands Lacs. Pour la RDC, il s’agit aussi de dénoncer un pillage systémique de ses ressources et de dénoncer l’absence, selon elle, de sanctions internationales à l’encontre de Kigali. C’est donc autant une bataille militaire que diplomatique et symbolique, dans laquelle se mesurent les rapports de force entre deux États voisins.

Le contexte montre que les voies classiques de dialogue sous régionaux ne suffisent plus : la RDC cherche désormais à mobiliser non seulement ses voisins mais aussi des médiateurs internationaux pour rééquilibrer les relations. Les accords en cours à Doha et à Washington pourraient marquer un tournant si un cessez-le-feu durable est signé et appliqué. Au-delà des accusations directes entre Kinshasa et Kigali, c’est la manière dont l’Afrique des Grands Lacs gère la question de ses frontières, de ses ressources et de la sortie des conflits armés qui est en jeu.

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Très attaché à l’Afrique Centrale que je suis avec une grande attention. L’Afrique Australe ne me laisse pas indifférent et j’y fais d’ailleurs quelques incursions
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