RDC : nouveau réquisitoire contre Constant Mutamba accusé d’outrage


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Constant Mutamba, ministre de la Justice
Constant Mutamba, ministre de la Justice

Le climat de confrontation entre le ministre d’État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Constant Mutamba, et le pouvoir judiciaire ne cesse de s’envenimer. Un nouveau réquisitoire vient d’être déposé contre lui à l’Assemblée nationale par le procureur général près la Cour de cassation.

Après une première procédure engagée contre Constant Mutamba pour un détournement présumé de 19 millions de dollars dans le cadre de la construction d’une prison à Kisangani, le procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, a adressé un nouveau réquisitoire à l’Assemblée nationale. Cette fois-ci, le ministre est visé pour outrage envers des membres du gouvernement et incitation à des manquements à l’autorité publique.

Un ministre de la Justice dans la tourmente judiciaire

Ce second réquisitoire, lu en plénière, ce vendredi, par le rapporteur de l’Assemblée nationale, Jacques Djoli, repose sur les déclarations faites par Constant Mutamba lors d’une rencontre avec les agents et cadres de son ministère au Palais de justice, lundi dernier. Ce jour-là, le Garde des Sceaux avait livré une riposte tonitruante, accusant le procureur général d’avoir « commis une faute disciplinaire grave » en lançant cette procédure alors qu’il serait lui-même sous enquête. « Celui qui fait l’objet d’enquêtes ne peut pas initier une action contre le ministre de la Justice », avait-il lancé sous les acclamations de ses partisans.

Le ministre avait dénoncé une tentative de déstabilisation, n’hésitant pas à mêler attaques personnelles et invocations mystiques : « Dites-leur que le dieu de mes ancêtres est plus fort que leurs dieux », avait-il laissé entendre. Constant Mutamba avait également reproché à Firmin Mvonde ses anciennes accointances avec le régime de Joseph Kabila, le qualifiant de membre d’un « groupe de mafieux ».

Firmin Mvonde estime que ces propos exposent le ministre à plusieurs accusations : « outrage envers les membres du gouvernement, des cours et tribunaux et les officiers du ministère public, provocation et incitation à des manquements envers l’Autorité publique, injures publiques et menaces d’attentat contre l’intégrité physique », lesquelles violent plusieurs articles du Code pénal congolais.

Le procureur requiert alors l’autorisation d’enquêter sur le ministre, comme l’exige la Constitution pour les membres du gouvernement. Selon lui, l’ouverture d’une instruction permettrait à Constant Mutamba de faire valoir sa version des faits et ses moyens de défense, dans un cadre légal et contradictoire.

La société civile applaudit et appelle à la récupération des fonds

Cette escalade survient alors que le ministre est déjà visé par une procédure parlementaire liée à la gestion d’un projet de 39 millions de dollars pour la construction d’un établissement pénitentiaire à Kisangani, capitale de la province de la Tshopo. Selon le réquisitoire initial de Firmin Mvonde, 19 millions de dollars auraient été détournés, et l’entreprise adjudicataire, Zion Construction, serait totalement inexpérimentée.

L’Assemblée nationale, après avoir jugé recevable le rapport d’une commission spéciale, a déjà autorisé l’instruction à charge de Constant Mutamba, décision saluée par certaines organisations de la société civile. C’est le cas du Centre de recherches en finances publiques et développement local (CREFDL) qui a salué, dans un communiqué, cette avancée judiciaire, y voyant un signal fort dans la lutte contre la corruption. Le CREFDL demande à la justice de mener cette instruction « de manière indépendante » et recommande que les biens mal acquis soient récupérés et vendus aux enchères pour restituer les fonds au Trésor public.

Le centre attire également l’attention sur les irrégularités dans la passation de marché avec Zion Construction, qui aurait bénéficié d’un contrat public sans expérience ni appel d’offres réglementaire.

Vers une crise institutionnelle ?

Au-delà des accusations pénales, cette affaire révèle une fracture profonde au sein des institutions de la RDC. Le ministre de la Justice conteste ouvertement la légitimité du procureur général et refuse de se soumettre à la procédure judiciaire. Il affirme être victime d’un règlement de comptes politique et personnel, évoquant des tensions persistantes avec la Première ministre et d’autres membres du gouvernement.

Pour certains observateurs, cette affaire pourrait déboucher sur une crise de séparation des pouvoirs, si le ministre persiste à défier les injonctions de la justice tout en restant en poste. La question de son éventuelle suspension, voire d’une motion de censure parlementaire, pourrait être prochainement soulevée.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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