RDC : bras de fer au sommet de la justice entre Constant Mutamba et Firmin Mvonde


Lecture 3 min.
Constant Mutamba, ministre de la Justice
Constant Mutamba, ministre de la Justice

Une crise sans précédent secoue le sommet de l’appareil judiciaire congolais. Le ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Constant Mutamba, a publiquement défié ce lundi le procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, dans une déclaration virulente au Palais de justice de Kinshasa.

L’appareil judiciaire congolais traverse une crise sans précédent. Une crise née de la démarche du procureur général près la Cour de cassation qui a introduit une requête à l’Asemblée nationale en vue de la levée de l’immunité du ministre de la Justice dans le cadre de l’enquête sur des présumés faits de détournements de 39 millions de dollars destinés à la construction d’une prison à Kisangani.

Une déclaration-choc depuis le cœur du pouvoir judiciaire

S’exprimant devant les agents et cadres de son ministère, le ministre Mutamba a adopté un ton frontal et sans détour. « Dites-lui qu’il était dans le même groupe que les kabilistes, le groupe des mafieux. Il voulait m’humilier, salir ma réputation. […] Je n’ai pas peur de la prison, je suis prêt. […] Me voici à Kinshasa, au Palais de justice », a-t-il lancé, faisant référence à des accusations relayées selon lesquelles il aurait fui en Tanzanie.

Le ministre n’a pas mâché ses mots, accusant le procureur général d’outrepasser ses prérogatives alors qu’il ferait lui-même l’objet d’une enquête. « Celui qui fait l’objet d’enquête ne peut pas enclencher une action contre le ministre de la Justice. C’est une faute disciplinaire grave », a-t-il affirmé, avant de déclarer avoir interdit à ses collaborateurs de répondre aux convocations du parquet.

Une crise d’autorité au sommet de l’État

Cette confrontation met en lumière une tension institutionnelle majeure. D’un côté, un procureur général qui entend exercer pleinement son pouvoir de poursuite, y compris à l’encontre d’un ministre en fonction. De l’autre, un membre du gouvernement qui refuse de se soumettre à l’autorité judiciaire, arguant de l’irrégularité de la procédure et de l’existence d’arrière-pensées politiques.

Ce bras de fer pose une question centrale : qui, entre le ministre et le magistrat suprême, détient la légitimité et l’autorité pour agir au nom de la justice ? Dans un pays marqué par une politisation fréquente de l’appareil judiciaire, cette affaire pourrait faire jurisprudence, ou à tout le moins, révéler les limites de l’indépendance judiciaire dans la République démocratique du Congo.

Dès sa prise de fonction, Constant Mutamba a fait de la lutte contre la corruption surtout en milieu judiciaire son second cheval de bataille après le désengorgement des prisons. Ses prises de positions lui ont valu des réactions hostiles de la part des magistrats. Courant septembre 2024, le bureau du Garde des Sceaux a fait l’objet d’un cambriolage avant que le locataire des lieux soit lui-même testé positif au poison quelques jours plus tard.

Avatar photo
Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
Facebook Linkedin
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News