Nigeria : une sénatrice réintégrée mais condamnée après avoir dénoncé le harcèlement sexuel au Sénat


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La sénatrice nigériane Natasha Akpoti Uduaghan
La sénatrice nigériane Natasha Akpoti Uduaghan, Instagram : natashaakpoti

Au Nigeria, l’affaire opposant la sénatrice Natasha Akpoti-Uduaghan au président du Sénat Godswill Akpabio vient de connaître sa conclusion. Vendredi 4 juillet 2025, la Haute Cour fédérale d’Abuja a annulé la suspension de six mois infligée à la sénatrice pour « propos outrageants », décision prise à la suite de ses accusations de harcèlement sexuel à l’encontre du président du Sénat.

Le tribunal a jugé cette sanction « excessive » et contraire au droit des électeurs de l’État de Kogi à être représentés. Natasha Akpoti-Uduaghan doit donc être réintégrée au sein de la chambre haute. Mais si la justice a reconnu l’injustice de la suspension, elle n’a pas totalement exonéré la sénatrice. En parallèle de sa réintégration, Natasha Akpoti a été condamnée à une amende de cinq millions de nairas (environ 2 760 euros) pour avoir enfreint l’interdiction de s’exprimer publiquement sur l’affaire. Elle devra, en outre, publier des excuses dans deux journaux nationaux et sur ses réseaux sociaux dans un délai de sept jours.

En cause : une lettre d’excuses satirique publiée sur X (ex-Twitter), dans laquelle elle tournait en dérision le pouvoir masculin dominant, en des termes cinglants : « veuillez trouver dans votre cœur la force de pardonner une femme qui a cru à tort avoir gagné son siège par des élections, et non des érections ».

Le harcèlement sexuel présumé au cœur d’un affrontement politique

Cette affaire ne se limite pas à un simple différend personnel. Elle révèle un affrontement politique intense entre le pouvoir en place, représenté par Godswill Akpabio et soutenu par la Première dame Oluremi Tinubu. En face, elle trouve une figure d’opposition combative, issue d’un Parlement où les femmes ne sont que quatre sur 109 sénateurs. Natasha Akpoti-Uduaghan a affirmé que sa suspension n’était qu’un prétexte pour la punir d’avoir dénoncé le comportement inapproprié du président du Sénat. Elle a même accusé ce dernier et l’ancien gouverneur Yahaya Bello d’avoir tenté de l’éliminer physiquement, une allégation qui alimente actuellement une autre procédure judiciaire.

Des soutiens fragiles et des critiques venues de toutes parts

Si certaines ONG et associations de défense des droits des femmes au Nigéria ont exprimé leur solidarité envers la sénatrice, la classe politique, elle, est divisée. Oluremi Tinubu, ancienne sénatrice et actuelle Première dame, a minimisé l’affaire en affirmant que « les compliments sont fréquents et n’ont rien de grave ». Une déclaration qui a été largement critiquée sur les réseaux sociaux, car elle banalise des comportements pouvant relever du harcèlement. La solidarité féminine semble ici confrontée aux clivages politiques, dans un Sénat souvent accusé de sexisme structurel.

Une victoire juridique au goût amer

Si la décision de justice marque une victoire formelle pour Natasha Akpoti-Uduaghan, elle s’accompagne d’une mise au pas symbolique. Elle est réintégrée, mais réduite au silence. Son cas démontre la difficulté, pour les rares femmes politiques nigérianes, de faire entendre leur voix dans un univers dominé par les hommes, où l’on exige d’elles non seulement la discrétion, mais parfois l’abnégation. La bataille judiciaire semble donc loin d’être terminée, et la question du harcèlement sexuel en politique reste, au Nigeria comme ailleurs, un sujet explosif.

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