Liberia : les excuses d’un État face à son passé sanglant


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Joseph Boakai
Joseph Boakai

Le samedi 5 juillet 2025 restera une date importante dans l’histoire du Liberia. Lors d’une cérémonie de réconciliation à Monrovia, le président Joseph Boakai a présenté, au nom de l’État libérien, des excuses solennelles pour les atrocités perpétrées durant les deux guerres civiles qui ont ensanglanté le pays entre 1989 et 2003.

Un geste fort dans un pays où les plaies du passé restent béantes, faute de justice.

Un discours poignant pour apaiser les douleurs collectives

Dans une déclaration empreinte d’émotion, Joseph Boakai a reconnu les fautes de l’État et adressé ses regrets aux victimes et à leurs familles. « À chaque famille brisée, à chaque rêve fracassé, nous disons : nous en sommes désolés », a-t-il lancé, devant une foule réunie à Monrovia. Le chef de l’État, qui a récemment rendu hommage aux présidents assassinés William Tolbert et Samuel Doe, a appelé à ne plus laisser l’État faire défaut à ses citoyens.

Un lourd héritage de violence et d’impunité

Les deux conflits successifs ont fait environ 250 000 morts et laissé des traces indélébiles : viols systématiques, mutilations, enrôlement d’enfants soldats… Malgré la gravité des crimes, aucun tribunal national n’a été mis en place pour juger les auteurs présumés. Certains responsables, accusés dans des rapports d’enquête, occupent encore des postes de pouvoir. Ils jouissent d’une impunité quasi totale, ce qui alimente une culture du silence et de l’oubli.

Vers la mise en œuvre d’une justice transitionnelle ?

En avril 2024, le Sénat libérien a adopté à l’unanimité un texte qui ouvre la voie à la création d’un tribunal pour juger les crimes des guerres civiles. Une avancée rendue possible, notamment, par le soutien tardif mais décisif de l’ancien chef de guerre Prince Johnson, aujourd’hui décédé. Boakai, proche de Johnson par le passé, semble désormais résolu à tourner la page de l’impunité. Il a réaffirmé son engagement à appliquer les recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation, dont l’appel à la justice reste largement lettre morte depuis 2009.

Une nation à reconstruire sur les ruines de l’oubli

Au-delà du discours, c’est tout un pays qui attend des actes. Pour les défenseurs des droits humains, il est urgent que le Liberia affronte enfin son passé. À Monrovia comme dans les zones rurales, les Libériens espèrent que cette demande de pardon officielle soit le prélude à une véritable justice réparatrice, seule capable de réconcilier durablement la nation.

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