
Après quatre mois de détention dans le cadre d’une affaire d’“intelligence avec des agents d’une puissance étrangère”, le journaliste tchadien Monodji Olivier et cinq de ses co-accusés ont été déclarés non coupables par le tribunal de grande instance de N’Djamena ce mardi 8 juillet 2025. Un verdict prononcé au bénéfice du doute, mettant un terme provisoire à une procédure judiciaire aussi sensible que controversée.
Peu après 17 heures, ce mardi, dans une salle comble du tribunal de N’Djamena, le président de la cour a prononcé le verdict tant attendu en déclarant les six prévenus présents non coupables. La séance, brève, n’a duré qu’environ cinq minutes. Selon les juges, les preuves fournies par le parquet étaient insuffisantes pour établir une quelconque culpabilité. La cour a donc ordonné leur relaxe au bénéfice du doute ainsi que la restitution de leurs effets personnels saisis lors de l’enquête (ordinateurs, téléphones, etc.).
Une accusation liée à la Russie et au groupe Wagner
Le ministère public accusait les sept hommes – journalistes, économiste, agent immobilier ou encore fonctionnaire – d’avoir été en lien, entre août et septembre 2024, avec deux ressortissants russes supposés appartenir au groupe paramilitaire Wagner. Ces rencontres, selon le parquet, constituaient une forme de « collaboration » avec des agents d’une puissance étrangère, ce qui a motivé les poursuites.
Parmi les inculpés figuraient, Olivier Monodji, directeur de publication du journal Le Pays et correspondant de Radio France Internationale (RFI), l’économiste Ndilyam Nguekidata, le journaliste Mahamat Saleh Alhissein (ONAMA), Mahamat Madani (agent immobilier), Ahmat Ali Adji (Toumaï Web Média), Bilal Abdelkader Abderamane (agent de l’État), ainsi qu’un septième homme – également journaliste – qui ne s’est jamais présenté au tribunal.
Des sentiments mitigés
Depuis le 10 mars, plusieurs des accusés, dont Monodji Olivier, étaient incarcérés à la maison d’arrêt de Klessoum. Leur détention avait provoqué de vives critiques de la part d’organisations de défense des droits humains et de la liberté de la presse, dénonçant un climat d’intimidation croissante à l’égard des journalistes au Tchad.
La décision judiciaire a donc été accueillie avec soulagement par leurs proches et confrères. Mais ce n’est pas le cas des avocats de la défense qui, malgré la libération de leurs clients, estiment que le tribunal n’est pas allé assez loin. « Il n’y a l’ombre d’aucun doute. L’infraction n’est pas constituée. Nos clients devaient être relaxés purement et simplement », a déclaré Me Alain Ndilyam, qui a annoncé son intention d’interjeter appel.
Le président de l’Union des journalistes tchadiens (UJT), Abbas Mahmoud Tahir, s’est également exprimé : « Nous sommes soulagés, mais inquiets. Ce dossier illustre encore une fois les difficultés croissantes pour les journalistes à exercer leur métier librement au Tchad. Intimidations, maltraitances, arrestations arbitraires… Cela doit cesser ».
Un climat médiatique toujours tendu
Cette affaire met en lumière un contexte tendu pour la presse au Tchad, où plusieurs professionnels des médias affirment être la cible de menaces ou de poursuites injustifiées. Le traitement réservé à Monodji Olivier et à ses confrères réactive les inquiétudes sur les atteintes à la liberté d’expression dans ce pays coutumier du fait.
Si leur libération constitue une victoire partielle pour les défenseurs des droits, l’ombre d’une surveillance permanente des activités journalistiques continue de planer. L’appel annoncé pourrait aussi prolonger l’incertitude judiciaire pour les accusés désormais libres.