RDC : Joseph Kabila entame ses consultations à Bukavu


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L'ancien Président, Joseph Kabila, à Goma
L'ancien Président, Joseph Kabila, à Goma

En séjour à Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu, l’ancien président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, a entamé ce mercredi une nouvelle phase de consultations populaires.

Après un mois passé à Goma, dans le Nord-Kivu, où il avait déjà rencontré diverses composantes de la société civile et échangé avec les autorités de la rébellion de l’AFC/M23, l’ancien chef d’État poursuit son engagement personnel en faveur d’un processus de paix dans une région meurtrie par plus de trente ans de conflits armés.

Une journée de dialogue avec les forces vives de la province

Dans une ambiance mêlant gravité et attente, Joseph Kabila a reçu tour à tour les chefs coutumiers, une délégation de jeunes, ainsi que les représentants du Barza intercommunautaire pour la paix. À chaque étape, le même mot d’ordre : « mobiliser toutes les énergies locales autour d’un projet de paix inclusive ».

« Il a été question de rassembler tous les Bamis présents ici à Bukavu et de leur faire part de ses idées sur la situation sécuritaire dans la région », ont rapporté les chefs traditionnels à l’issue de leur rencontre avec l’ancien Président. Rappelant les 18 années de présidence de Joseph Kabila, les chefs coutumiers ont salué sa connaissance approfondie des dynamiques régionales et son expérience dans la gestion des crises.

Ces leaders traditionnels ont également expliqué que l’ancien dirigeant a émis le vœu de les voir participer à toute initiative visant à rapprocher les parties au conflit. En réponse, les chefs traditionnels ont non seulement marqué leur accord à accompagner les discussions en faveur de la paix, mais ils ont rappelé que tous les protagonistes « sont des fils de ce pays ». C’est la raison pour laquelle, ils ont proposé que tous les protagonistes se mettent « autour d’une table pour que la guerre cesse et que [la] population retrouve enfin la paix ».

La jeunesse au cœur du message de Kabila

En fin de matinée, c’était au tour des jeunes du Sud-Kivu d’être reçus. Mouvements citoyens, étudiants, représentants des églises de réveil et du conseil urbain de la jeunesse ont été écoutés par l’ancien Président. Le message principal : un appel fort à la responsabilité générationnelle et à l’engagement dans le processus de paix.

« Il nous a dit qu’il est venu compatir avec nous, et qu’il est temps pour tout le monde de faire la paix », a résumé Amos Bisimwa, chef de la délégation. Joseph Kabila a réaffirmé sa disponibilité pour le dialogue et son soutien explicite au schéma proposé par la CENCO et l’ECC (les Églises catholique et protestante), qui travaillent depuis plusieurs mois à une médiation nationale.

En retour, les jeunes ont affiché leur engagement à accompagner le processus initié, affirmant leur volonté d’être des « artisans de la paix ». Une manière pour eux de sortir de la marginalisation politique et de s’impliquer activement dans l’avenir de la province.

L’appui du Barza intercommunautaire

Clôturant la première journée de ces consultations, Joseph Kabila a échangé avec le Barza intercommunautaire pour la paix, une instance regroupant les représentants des différentes communautés du Sud-Kivu. Présidée par Musole Maharaza, la structure s’est dite « satisfaite » des échanges.

« Nous avons salué l’initiative, car il s’est engagé personnellement à rechercher cette paix dont nous avons tous besoin », a affirmé Musole Maharaza. Le Barza a présenté à l’ancien Président des propositions concrètes sur la sécurité, la réconciliation et la reconstruction de la confiance entre communautés, ébranlées par des années de conflit, d’instrumentalisation politique et d’impunité.

Une démarche personnelle aux enjeux nationaux

Les consultations entamées par Joseph Kabila depuis un mois dans l’est de la RDC prennent une ampleur croissante. Si officiellement l’ancien Président se refuse à toute récupération politique, ses déplacements sont scrutés de près à Kinshasa, où certains y voient les prémices d’un retour en force sur la scène nationale. D’autant plus que le schéma CENCO-ECC auquel il a adhéré prévoit la mise en place d’un cadre de dialogue national inclusif, susceptible de redessiner les équilibres institutionnels et politiques.

Le conseiller de l’ancien chef d’État, Barnabé Kikaya, a d’ailleurs récemment déclaré : « Si l’initiative des évêques aboutissait, vous verrez M. Kabila autour de la table », confirmant ainsi que l’ancien Président se tient prêt à participer à une grande réconciliation nationale. Dans un contexte où l’est du pays reste en proie à la guerre, cette démarche est perçue localement comme une tentative sérieuse de trouver des solutions endogènes à une crise que ni les armes ni les discours officiels n’ont réussi à résoudre jusqu’à présent.

Une attente immense, une prudence palpable

À Bukavu, la population reste partagée entre espoir sincère et prudence lucide. Nombreux sont ceux qui saluent le retour d’un acteur politique majeur qui, bien qu’ayant quitté le pouvoir en 2019, reste très influent, notamment dans les Kivu. Mais d’autres rappellent que les racines du conflit sont profondes, que les groupes armés pullulent toujours, et que les abus sont loin d’avoir cessé.

Reste à savoir si les promesses entendues dans les consultations de Goma et désormais de Bukavu pourront déboucher sur un véritable cadre de dialogue national, inclusif et contraignant, dans lequel les anciens comme les nouveaux acteurs accepteraient de reconstruire une paix durable, à l’écoute des communautés locales. En tout cas, pour l’instant, les regards sont également tournés vers Washington où le RDC et le Rwanda signeront un accord, le 27 juin.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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