Washington : RDC et Rwanda paraphent un accord de paix en vue d’une signature historique


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Les présidents rwandais et congolais Paul Kagamé et Félix Tshisekedi
Les présidents rwandais et congolais Paul Kagamé et Félix Tshisekedi

Sous l’égide des États-Unis et avec la participation du Qatar, la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda ont franchi un pas décisif vers une résolution du conflit meurtrier qui ensanglante l’est congolais depuis des décennies.

Les délégations techniques des deux pays ont paraphé, ce mercredi 18 juin 2025, à Washington le texte d’un accord de paix qui devrait être officiellement signé le 27 juin prochain, lors d’une cérémonie ministérielle.

Ce texte, présenté comme une « étape cruciale » par les parties impliquées, a été négocié pendant trois jours à huis clos. Il s’appuie sur la déclaration de principes signée le 25 avril 2025 dans la capitale américaine, et couvre des volets politiques, sécuritaires et économiques.

Un cadre ambitieux pour mettre fin aux hostilités

L’accord provisoire comprend plusieurs engagements clés :

  • Respect de l’intégrité territoriale et cessation des hostilités ;
  • Désengagement, désarmement et intégration conditionnelle des groupes armés non étatiques ;
  • Mise en place d’un mécanisme conjoint de coordination sécuritaire, fondé sur le concept d’opérations (CONOPS) du 31 octobre 2024 ;
  • Retour des réfugiés et des déplacés internes, avec garanties d’accès humanitaire ;
  • Instauration d’un cadre de coopération économique régionale.

Les États-Unis, représentés par la sous-secrétaire d’État aux affaires politiques, Allison Hooker, et le Qatar, impliqué dans une démarche parallèle de médiation, ont joué un rôle clé dans la facilitation des discussions. Un sommet des chefs d’État est annoncé à Washington dans les semaines à venir pour consolider les engagements pris.

Un conflit enraciné, des enjeux régionaux explosifs

Cette avancée survient dans un contexte de tensions extrêmes dans l’est de la RDC, où les combats se sont intensifiés depuis le début de l’année. Le groupe rebelle du M23 soutenu militairement par Kigali, a pris successivement Goma en janvier puis Bukavu en février, aggravant la crise humanitaire.

Les experts de l’ONU estiment que le M23 bénéficie du soutien d’environ 4 000 soldats rwandais – des allégations que le gouvernement rwandais a toujours nié, accusant en retour la RDC de marginaliser les populations tutsies et d’ignorer les accords précédents.

Le M23, l’un des plus puissants parmi les quelque 100 groupes armés actifs dans l’est du pays, se présente comme le défenseur des Tutsis congolais. Mais selon ses détracteurs, ce discours cache des ambitions économiques et politiques, notamment liées au contrôle des ressources naturelles stratégiques : coltan, cobalt, lithium, or et cuivre.

Une médiation américaine renforcée par le Qatar

Alors que les tentatives de médiation menées par l’Angola et le Kenya ces dernières années se sont soldées par des échecs, Washington, avec l’accompagnement du Qatar, semble cette fois avoir imposé une dynamique nouvelle. Le secrétaire d’État, Marco Rubio, qui devrait présider la cérémonie de signature, a salué ce rapprochement comme un « tournant historique », y voyant aussi une opportunité d’ouvrir la région aux investissements occidentaux, à condition d’une pacification durable.

Le communiqué commun souligne que la coordination étroite entre les États-Unis et le Qatar a permis d’éviter les duplications et de créer un espace de dialogue équilibré. Les deux médiateurs se sont félicités de la volonté affichée par les délégations congolaise et rwandaise.

Un espoir fragile, mais réel

Malgré l’enthousiasme diplomatique, la situation sur le terrain reste préoccupante. Cette semaine encore, le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a dénoncé de graves violations des droits humains perpétrées par les rebelles du M23, les forces armées congolaises (FARDC) et des groupes armés alliés. Certaines de ces exactions, selon lui, pourraient constituer des crimes de guerre. Par ailleurs, de nombreux précédents existent où des accords de paix n’ont pas été suivis d’effet, en l’absence de volonté politique, de mécanismes contraignants ou de surveillance internationale effective.

Malgré ce sentiment de doute, la signature annoncée pour le 27 juin est porteuse d’espoir, même si sa crédibilité dépendra de sa mise en œuvre concrète. Le désarmement effectif du M23 et des autres groupes, l’intégration de leurs combattants, le retour sécurisé des réfugiés, et surtout la garantie de non-intervention entre États voisins seront les principaux défis à venir. En un mot, un pas a été franchi, certes, mais le chemin vers une paix durable dans les Grands Lacs reste long et semé d’obstacles.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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