
La Cour de cassation de Kinshasa a rendu, ce mardi 2 septembre 2025, un verdict très attendu : l’ancien ministre congolais de la Justice, Constant Mutamba, a été reconnu coupable de détournement de fonds publics.
Constant Mutamba écope de trois ans de travaux forcés, assortis de cinq ans d’inéligibilité et d’interdiction d’accès à toute fonction publique, à l’issue de son procès.
Un procès emblématique
Âgé de 37 ans, avocat de formation, Constant Mutamba avait été nommé garde des Sceaux en 2024 avant de tomber en disgrâce au début de l’année 2025. Poursuivi pour le détournement de 19 millions de dollars américains, destinés à la construction d’une nouvelle prison à Kisangani, il a toujours rejeté les accusations portées contre lui, se présentant comme la victime d’une cabale politique.
Selon l’accusation, l’ancien ministre aurait ordonné, le 16 avril dernier, le transfert de la somme depuis le Fonds de réparation et d’indemnisation des victimes des activités illicites de l’Ouganda en RDC (FRIVAO) vers un compte bancaire récemment ouvert au nom de Zion Construction. Cette société aurait bénéficié du marché en dehors de toute procédure régulière de passation, ce qui constituerait une violation grave des règles de gestion publique.
« La Cour juge que ces violations répétées des règles de procédure et la précipitation dans cette passation de marché avaient pour objectif de capter les fonds de l’État afin d’enrichir frauduleusement la société Zion Construction », a déclaré le juge Jacques Kabasele lors du prononcé du verdict.
Une condamnation moins lourde que les réquisitions
Le ministère public avait requis dix ans de travaux forcés ainsi qu’une interdiction prolongée d’exercer des fonctions publiques, de voter et d’être éligible. La Cour a finalement retenu une peine plus clémente : trois ans, tout en ordonnant la restitution des 19 millions de dollars détournés et le paiement des frais d’instance.
Constant Mutamba a été escorté hors du tribunal par la Police nationale congolaise et placé sous mandat de dépôt. Ses partisans, qui s’étaient rassemblés devant sa résidence à Kinshasa dans la nuit précédant l’audience, avaient été dispersés par les forces de l’ordre.
Une stratégie politique assumée
Tout au long de son procès, l’ancien ministre a multiplié les comparaisons avec des figures historiques, se présentant comme un leader persécuté par un appareil judiciaire “malade”. Lors de son ultime prise de parole, le 13 août, il avait évoqué Nelson Mandela, Lula da Silva, Patrice Lumumba et Étienne Tshisekedi, allant jusqu’à se recueillir sur les mausolées des deux derniers à Kinshasa.
Cette posture lui a permis de renforcer son image d’opposant victime d’une cabale politique. Néanmoins, sa condamnation le prive de toute ambition électorale à court terme : sauf retournement de situation, il ne pourra pas briguer la magistrature suprême lors de la présidentielle de 2028.
Une affaire à forte charge symbolique
Ce procès, très médiatisé, revêt une portée symbolique forte dans un pays régulièrement secoué par des scandales de corruption. Ancien ministre de la Justice, Constant Mutamba incarnait, aux yeux de nombreux Congolais, une contradiction flagrante : celui qui devait garantir l’intégrité du système judiciaire est désormais condamné pour l’avoir trahi.
Pour ses partisans, il s’agit toutefois d’une justice instrumentalisée à des fins politiques. Le camp présidentiel, lui, présente ce verdict comme une preuve de la détermination de l’État à lutter contre l’impunité et à assainir la gestion publique.