
Des stades aux réseaux sociaux, le racisme contre les sportifs d’origine africaine n’a jamais été aussi visible. En Espagne, il s’exprime désormais sans filtre derrière les écrans, visant particulièrement les footballeurs noirs ou musulmans. De Didier Drogba, cible d’insultes à ses débuts européens, à Lamine Yamal, aujourd’hui pris pour cible sur X, les attaques se multiplient. Le dernier rapport de l’Observatoire espagnol du racisme montre que la haine en ligne s’installe durablement au cœur du football, miroir d’une société encore fracturée.
Le dernier rapport de l’Observatoire espagnol du racisme et de la xénophobie (OBERAXE) dresse un constat alarmant. Le football, sport roi en Espagne, est devenu une grosse caisse de résonance du racisme et de la haine en ligne. Grâce à une intelligence artificielle baptisée FARO, l’Observatoire a analysé plus de 33 000 messages haineux publiés sur les réseaux sociaux visant des sportifs, et les résultats sont édifiants.
Une haine raciale décomplexée
L’étude révèle que Lamine Yamal, jeune prodige du FC Barcelone âgé de seulement 18 ans, concentre à lui seul 60% de toutes les attaques recensées. Une proportion écrasante qui en fait la principale cible des discours racistes en Espagne. Derrière lui, le Brésilien Vinícius Jr. du Real Madrid arrive en seconde position, visé par 29% des messages haineux. D’autres joueurs tels que Brahim Díaz, Iñaki Williams ou encore Alejandro Balde sont également mentionnés, mais dans une moindre mesure.
Les insultes relevées dans le rapport sont d’une extrême violence. Parmi les milliers de messages analysés figurent des phrases comme « put* negr* muérete » (« pu* de nè*, meurs ») ou encore « mor* inmundo » (« sale maure »). Ces propos, diffusés massivement sur les réseaux, montrent que ce ne sont pas tant les performances sportives qui déclenchent la haine, mais bien la couleur de peau, l’origine ou la religion des joueurs.
Les réseaux sociaux, amplificateurs de la haine
Le rapport souligne également l’énorme disparité dans la modération des plateformes. Facebook a supprimé environ 62% des contenus signalés, tandis que X (anciennement Twitter), propriété d’Elon Musk, n’en a retiré que 10%. Cette inertie alimente la prolifération des discours racistes et met en lumière la responsabilité des géants du numérique dans la banalisation de la haine.
Le système FARO permet de suivre en temps réel la diffusion des messages racistes, xénophobes, islamophobes et antisémites. L’Observatoire a constaté que les pics de haine coïncident souvent avec des événements médiatiques : un match à forte visibilité, un « Clásico » entre le Barça et le Real Madrid, une déclaration controversée ou encore un fait divers peuvent suffire à déclencher une vague d’attaques ciblées. Ces comportements révèlent à quel point le racisme s’enracine dans la culture numérique du football.
Des précédents qui rappellent une longue histoire
Le cas de Lamine Yamal s’inscrit dans une longue lignée d’incidents visant des sportifs africains ou d’origine africaine en Espagne. Le Camerounais Samuel Eto’o fut l’un des premiers à dénoncer publiquement le racisme sur les terrains espagnols. En 2006, lors d’un match à Saragosse, il avait quitté le terrain après avoir été la cible de cris de singe avant d’y revenir sur demande de l’arbitre. Des années plus tard, l’attaquant ghanéen Iñaki Williams, joueur de l’Athletic Bilbao, a lui aussi subi des insultes racistes à Barcelone, ce qui avait conduit à l’ouverture d’une enquête judiciaire, une première en Espagne.
Des joueurs d’origine nord-africaine, notamment marocains, ont également rapporté des insultes similaires dans les divisions inférieures espagnoles. Ces incidents démontrent que la haine raciale ne se limite pas aux stades des grandes équipes, mais traverse toutes les catégories du football espagnol. Les victimes viennent souvent du continent africain ou de la diaspora, confirmant le lien étroit entre visibilité sportive et rejet identitaire.





