
Avec plus d’un milliard d’armes à feu illégales en circulation et un commerce qui génère des centaines de milliards de dollars, la prolifération des armes légères constitue l’un des défis sécuritaires majeurs du XXIe siècle. Des violations d’embargos aux nouvelles menaces cybernétiques, ce fléau alimente les conflits du Sahel aux Grands Lacs et menace la stabilité mondiale.
Plus d’un milliard d’armes à feu illégales sont en circulation dans le monde, favorisant les crises sécuritaires auxquelles sont en proie diverses parties du globe. Derrière ces armes en circulation, on se rend compte que toute une économie gangrène les zones de conflit.
En 2023, les 100 plus grandes entreprises d’armement ont engrangé 632 milliards de dollars de bénéfice, tandis que les dépenses militaires mondiales ont atteint 2 700 milliards, en hausse de 37% depuis 2015. Les violations d’embargos, quant à elles, ne cessent d’alimenter les foyers de guerre. Ainsi, partout dans le monde, les armes produites et transférées aujourd’hui risquent d’alimenter le commerce illicite et la violence de demain, comme l’a averti Adedeji Ebo, responsable adjoint du Haut représentant du Bureau des affaires de désarmement aux Nations Unies. La gestion des stocks et la traçabilité des armes à feu doivent donc être renforcées par toutes les parties prenantes de la lutte contre ce phénomène, grâce aux innovations technologiques telles que les traceurs chimiques pour munitions.
Selon le nouveau rapport du Secrétaire général de l’ONU, un milliard d’armes à feu circulent dans le monde. En 2024, les armes légères ont été responsables de près d’un tiers des morts civiles dans les zones de conflits, et 88% des cas de violences sexuelles liées aux guerres impliquaient une arme à feu.
Faire taire les armes
Si le diagnostic est aussi alarmant sur le continent africain, « ces armes sont utilisées pour déchaîner une violence et des souffrances horrifiques dans la région du Darfour », avait déclaré Mohamed Ibn Chambas, le Haut représentant de l’Union africaine pour l’initiative « Faire taire les armes ». En effet, du Sahel aux Grands Lacs, la circulation incontrôlée d’armes alimente les groupes armés et les trafics transfrontaliers. L’Union africaine a mis en place une stratégie continentale 2020-2030 pour harmoniser les politiques, renforcer la gestion des stocks et inclure femmes et jeunes dans les efforts de désarmement.
Pourtant, des campagnes comme le mois de l’amnistie africaine ont réussi à faire détruire 30 000 armes et 200 000 munitions, montrant que la coopération régionale peut produire des résultats concrets, même si la tâche reste immense. Il faudrait rappeler que contrôler la prolifération des armes est une condition préalable à la paix durable et au développement.
Les armes alimentent un réseau criminel
De nouvelles menaces surgissent au-delà des frontières physiques. Le cyberespace et l’avancée des technologies ont ouvert un marché parallèle où se côtoient imprimantes 3D, forums clandestins et trafics dématérialisés. La représentante d’INTERPOL à l’ONU, Roraima Ana Andriani, explique d’ailleurs à ce sujet que « le commerce illicite des armes n’est pas une menace isolée : il alimente et finance un réseau de crimes transnationaux, du terrorisme au trafic de drogue ». INTERPOL, aujourd’hui forte de 196 membres, coordonne dorénavant les opérations transfrontalières et gère la base du système de gestion des données sur les armes illicites et du traçage des armes (iARMS), qui recense plus de deux millions d’armes perdues ou volées.
Ses « opérations Trigger » ont permis de retirer des dizaines de milliers d’armes de la circulation en Amérique latine, où 9 000 armes et 300 000 munitions ont été saisies récemment. Pour la représentante d’INTERPOL, il faudrait aller plus loin : « La lutte contre le commerce illicite des armes exige une cohérence entre les dimensions diplomatiques et opérationnelles de la sécurité. »
Partout dans le monde, la prolifération des armes légères révèle une faillite collective : celle d’un monde incapable de contenir les flux de métal et de poudre qui nourrissent ses crises. Ces armes, souvent fabriquées légalement, finissent entre les mains de groupes armés, de trafiquants ou de civils désespérés, et transforment les fractures sociales en guerres ouvertes. Les initiatives existent mais manquent de moyens et de volonté politique, comme a tenu à rappeler Adedeji Ebo : « Notre responsabilité est claire : prévenir la diversion et la fabrication illicite des armes, ou faire face aux conséquences d’une insécurité qui s’enracine. » Dans un monde saturé d’armes, la paix reste une course contre la montre, car chaque pistolet récupéré, chaque fusil détruit, chaque frontière surveillée est une victoire invisible.




