La Wallonie ne vendra pas d’armes à la Tanzanie


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Le gouvernement wallon (Belgique) a décidé, jeudi dernier, de retirer sa licence d’exportation d’armes en Tanzanie à la société New Lachaussée. Cette entreprise devait faire construire une nouvelle usine à Mwanza, pour remplacer celle de Morogoro désormais trop vétuste. Mais plusieurs rapports, ainsi que l’opinion internationale, ont mis en garde contre les conséquences de l’importation de munitions dans la région des Grands Lacs, où les armes à feu légères sont la cause de 500 000 décès par an.

Par Floréal Sotto

Le gouvernement wallon (Belgique) a annoncé jeudi le retrait de la licence d’exportation d’armes à la société New Lachaussée. L’entreprise devait subvenir aux besoins en munition de la police et de l’armée tanzanienne. Des accords avaient été conclus depuis janvier 2005, mais, sous la pression internationale, le marché a été suspendu. Plusieurs rapports officiels, ainsi que des organisations non gouvernementales, ont indiqué que rien ne pouvait assurer l’utilisation réelle et la traçabilité de ces munitions, ni même leur volume de production.

Possible anguille sous roche

L’usine de Mwanza aurait pu produire jusqu’à 14 millions de munitions par an. Un chiffre que Benoît Vandermeerschen, Secrétaire général du centre national au développement, estime « bien trop important par rapport aux besoins réels ». De plus, une mission composée d’experts dépêchés sur place par le gouvernement wallon a montré dans son rapport que la déperdition d’armes n’aurait pu être vérifiable. « L’usine n’aurait probablement produit que 50% de son potentiel, étant donné la main d’œuvre et les coupures d’électricité courantes », laissant un doute planer entre production réelle et production potentielle. Rien ne pouvait donc garantir la traçabilité des munitions, ce qui représente un risque important dans une région où les frontières sont poreuses.

L’entreprise aurait été construite à Mwanza, petite ville au Nord Ouest du pays, sur les rives du lac Victoria, à 250 km à vol d’oiseau de l’Ouganda, du Rwanda et du Burundi. Le rapport du gouvernement wallon indiquait que les risques du détournement d’armes était moindre dans cette région qu’à Morogoro et que la Tanzanie « est une position de pointe tout à fait exceptionnelle, en Afrique, pour la lutte contre le trafic illicite des armes légères ». Mais comme l’indique Xinhuanet, « l’aéroport de Mwanza serait parmi les sept aéroports dans la région d’Afrique Orientale et Centrale utilisés pour trafic d’armes légères ». La ville est aussi desservie par une ligne de chemin de fer directe vers le lac Tanganyika, qui sépare la Tanzanie de la République Démocratique du Congo. A long terme le détournement d’armes était probable.

L’éthique, pression suprême

Kofi Annan aurait téléphoné au premier ministre belge, Guy Verhofstadt, pour l’inciter au refus de cette licence, selon Benoît Vandermeerschen. Par ailleurs, le ministre président, Mr Van Cauwenberghe, a déclaré au quotidien belgeLa Libre: « La Wallonie n’est pas une île. Ce qui a emporté ma décision, c’est l’image de la Wallonie en Europe et dans le monde. Je ne peux pas être insensible à la polémique belgo-belge (la licence était très critiquée par les responsables politiques flamands, ndlr) mais elle ne m’a pas moins influencé que les instances internationales qui ont fait passer le message que cela serait embarrassant pour la pacification dans la région des Grands Lacs.»
Cette mesure a confronté la Belgique a des remous dans le secteur de l’armement en Wallonie. Les employés de New Lachaussée sont entrés en grève depuis cette décision. Mais le ministre de l’Economie a déclaré «Par notre propre attitude, et c’est notre faute, nous perturbons l’activité de cette entreprise ». Il va donc examiner la façon dont New Lachaussée pourra être aidée. Un moindre mal pour participer à la pacification de la région des Grands Lacs.

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