Présidentielle au Malawi : Chakwera et Mutharika se proclament vainqueurs, la Commission électorale appelle au calme


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Le Malawi est suspendu à l’annonce officielle des résultats de l’élection présidentielle du 16 septembre, mais déjà la tension monte. Les deux principaux rivaux, le Président sortant, Lazarus Chakwera, et son prédécesseur, Peter Mutharika, revendiquent chacun la victoire, plongeant le pays dans une incertitude politique à haut risque.

Ce qui se passe au Malawi laisse un air de déjà-vu. Le scénario post-électoral dans lequel les deux principaux challengers revendiquent la victoire rappelle la situation du pays en 2020 où le Président sortant de l’époque, Peter Mutharika, et son principal vis-à-vis, Lazarus Chakwera, se proclamaient chacun vainqueur. Cinq ans plus tard, les mêmes revendications avec les mêmes personnages, mais dans une inversion des rôles.

Deux vainqueurs autoproclamés

D’un côté, Lazarus Chakwera, 70 ans, chef du Parti du congrès du Malawi (MCP) et Président sortant, affirme avoir obtenu un second mandat grâce à un large soutien populaire. De l’autre, Peter Mutharika, 85 ans, figure historique du Parti démocratique progressiste (DPP) et ancien chef de l’État, assure que « le peuple a parlé » en sa faveur.

Une double proclamation prématurée qui a immédiatement suscité la réaction de la Commission électorale du Malawi (MEC). Sa présidente, la juge Annabel Mtalimanja, a rappelé fermement que les résultats officiels ne peuvent être publiés que dans un délai légal de sept jours après le scrutin. Selon elle, plus de 99 % des bulletins ont déjà été dépouillés, mais il revient uniquement à la MEC d’annoncer le vainqueur. « Toute tentative de proclamer des résultats en dehors de ce cadre est illégale et de nature à troubler l’ordre public », a-t-elle averti, appelant les partis au calme et à la patience.

Un duel qui concentre l’attention dans un pays en crise économique

Bien que 17 candidats aient participé à l’élection, le véritable affrontement se joue entre Chakwera et Mutharika, deux adversaires politiques de longue date. Mutharika, battu en 2020 après l’annulation par la justice des résultats contestés de 2019, tente un retour à 85 ans. Chakwera, élu dans la foulée de cette crise électorale, espère prolonger son mandat malgré un contexte socio-économique difficile. La rivalité entre les deux hommes polarise la vie politique malawite depuis plus d’une décennie et alimente aujourd’hui un climat de méfiance généralisée vis-à-vis des institutions.

Derrière cette bataille politique se cache une réalité sociale tendue. Le Malawi fait face à une grave crise économique marquée par une inflation galopante, des pénuries récurrentes de carburant et une monnaie en chute libre. Dans ce contexte, l’élection présidentielle apparaît cruciale pour des millions de Malawites confrontés à la hausse du coût de la vie. Beaucoup espéraient que le scrutin serait l’occasion de tourner la page des querelles politiques pour se concentrer sur les réformes économiques et la lutte contre la pauvreté.

Entre risques d’instabilité et attente fébrile

Les analystes redoutent cependant que la situation actuelle dégénère. Les proclamations hâtives de victoire pourraient enflammer les tensions entre partisans des deux camps. Dans un pays où la mémoire des élections annulées de 2019 reste vive, le spectre d’un nouveau conflit électoral plane. La communauté internationale, qui a dépêché des observateurs, insiste sur la nécessité de respecter le processus légal. Plusieurs missions d’observation, notamment de la SADC et de l’Union africaine, doivent encore publier leurs rapports préliminaires sur le déroulement du vote et du dépouillement.

À Lilongwe comme à Blantyre, les habitants suivent avec anxiété les déclarations des leaders politiques et de la Commission électorale. « Nous voulons seulement savoir qui a gagné, mais surtout que la paix soit maintenue », confie Grace, une commerçante rencontrée sur un marché de la capitale. Pour l’heure, le Malawi retient son souffle. Les résultats officiels, attendus d’ici au 23 septembre, décideront si le pays prolonge l’expérience Chakwera ou s’offre un retour à l’ère Mutharika. En attendant, la balle est dans le camp de la Commission électorale.

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Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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