Malawi : la SADC déploie 80 observateurs pour un scrutin à haut risque socio-économique


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À cinq jours des élections générales prévues le 16 septembre au Malawi, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) a dépêché une mission de 80 observateurs pour suivre un scrutin marqué par une forte incertitude politique et une profonde crise économique.

Le Malawi s’apprête à voter dans un climat tendu où se mêlent attentes démocratiques et désillusion sociale. Ce mercredi 10 septembre, la SADC a officiellement lancé sa Mission d’observation électorale (SEOM) à Lilongwe. Conduite par l’ancien vice-Premier ministre d’Eswatini, Themba Masuku, elle regroupe 80 observateurs issus de neuf pays de la région.

La SADC en vigie démocratique dans un scrutin opposant l’ancien Président à son successeur

Themba Masuku a insisté sur l’importance d’un processus « pacifique, libre, équitable, transparent et crédible », en appelant les électeurs, les partis et la société civile à respecter les principes démocratiques. La mission couvrira toutes les étapes – préélectorales, électorales et postélectorales – et rendra compte des campagnes, du déroulement du scrutin et de la gestion des résultats. « La SADC exhorte tous les électeurs inscrits à exercer leurs droits civiques et politiques en se rendant aux urnes le 16 septembre », a souligné le chef de mission.

Le scrutin, qui verra s’affronter 17 candidats à la Présidentielle et près de 1 500 prétendants au Parlement, se joue surtout entre deux figures connues : le Président sortant Lazarus Chakwera, 70 ans, et son prédécesseur Peter Mutharika, 85 ans. Un sondage récent place Mutharika en tête avec 41 % des intentions de vote, contre 31 % pour Chakwera.

Mais pour beaucoup de Malawites, ce duel ne suscite guère d’enthousiasme. « Les gens ont le sentiment d’être coincés. L’économie est en crise, les hommes politiques sont toujours les mêmes et la plupart ne pensent pas que cette élection changera leur vie », analyse Michael Jana, politologue malawien basé en Afrique du Sud.

Une population asphyxiée par la crise

L’économie, au cœur des préoccupations, connaît une inflation de près de 30 %, des pénuries chroniques de carburant et de devises, ainsi qu’une flambée du chômage. À Lilongwe comme dans les provinces, la désillusion est palpable.

« Je voterai pour Chakwera parce qu’il a amélioré les routes et soutenu les jeunes entrepreneurs, mais le coût de la vie reste trop élevé », confie Mervis Bodole, petit commerçant de 20 ans. À l’inverse, d’autres dénoncent une alternance illusoire : « Que ce soit Chakwera ou Mutharika, pour nous, rien ne changera. C’est bonnet blanc et blanc bonnet », lâche Victor Shawa, 23 ans, sans emploi. Outre Chakwera et Mutharika, quelques outsiders, comme l’ancien gouverneur de la Banque centrale, Dalitso Kabambe, tentent de se faire une place, mais les chances de l’ex-Présidente Joyce Banda ou du vice-président Michael Usi sont jugées marginales.

Pour beaucoup, l’enjeu de ce scrutin se résume à l’économie. Les scandales de corruption, la pandémie de Covid-19, le cyclone Freddy de 2023 et la sécheresse persistante ont fragilisé la présidence de Chakwera et accentué le scepticisme populaire. Avec deux tiers de la population âgés de moins de 25 ans, la frustration de la jeunesse grandit face à une classe politique vieillissante et usée. Dans ce contexte, la présence de la SADC apparaît comme une garantie minimale de transparence et de stabilité, même si elle ne suffira sans doute pas à combler le fossé entre les urnes et les attentes d’une société en quête d’air.

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Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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