
Dans un contexte de crise économique majeure aggravée par la sécheresse, les Malawites se préparent à élire leur président pour la huitième fois depuis le retour du multipartisme. Entre corruption endémique, défis environnementaux et pauvreté persistante, cette élection s’annonce cruciale pour l’avenir de ce pays d’Afrique australe de 22 millions d’habitants.

La République du Malawi est un pays d’Afrique australe frontalier avec la Zambie à l’ouest, la Tanzanie au nord et au nord-est, et le Mozambique à l’est, au sud et au sud-ouest. Avec une population de 2 224 282 habitants en juillet 2025, le pays s’étend sur 118 484 km² et a pour capitale Lilongwe. Son président actuel est Lazarus Chakwera, qui a remporté les élections en 2020 grâce à l’annulation par la Cour constitutionnelle du pays des résultats précédents, en raison de fraudes et d’irrégularités généralisées attribuées à l’ex-président sortant Peter Mutharika.
Avec une économie qui repose principalement sur l’agriculture, le Malawi figure parmi les pays les moins développés du monde. Les Malawites se rendront donc aux urnes pour la huitième fois depuis le retour des élections multipartites en 1994 et auront à choisir entre trois dirigeants ayant déjà gouverné le pays.
L’économie au cœur des préoccupations
L’économie constitue le principal enjeu de cette élection présidentielle. Le Malawi a été très durement touché par la grave sécheresse provoquée par El Niño qui a sévi en Afrique australe en 2024. Dans ce pays où 80 % de la population vit en zones rurales, cette catastrophe naturelle a conduit à un niveau de chômage extrême. L’inflation des prix des denrées alimentaires a dépassé 20 %, confrontant près de 23 millions de citoyens à une insécurité alimentaire aiguë.
Ces difficultés économiques ont eu un impact direct sur la campagne du président sortant Lazarus Chakwera, qui brigue un second mandat sous la bannière du Parti du Congrès du Malawi.
Les principaux challengers de Chakwera sont Peter Mutharika, âgé de 84 ans, candidat du Parti démocratique progressiste, qui avait été battu par le président sortant lors de la présidentielle de 2020, et Joyce Banda, 74 ans, candidate du Parti populaire et ancienne présidente de 2012 à 2014. Bien que tous ces candidats puissent faire valoir leur large expérience en matière de gestion, chacun d’eux est associé à des périodes antérieures de troubles économiques et à des allégations de corruption.
D’autres partis sont également en lice dans cette élection présidentielle, notamment le Mouvement uni de transformation (UTM), qui a perdu son fondateur et vice-président Saulos Chilima dans un accident d’avion en juin 2024. Ce dirigeant incarnait les espérances d’une partie de la jeunesse malawite. Le Front démocratique uni participe aussi au scrutin.
La lutte contre la corruption, un défi majeur
Les électeurs malawites devront choisir un président capable de s’attaquer aux défis liés à la corruption. Bien que le Malawi ne soit pas le pire pays africain en la matière, il a été classé 115e sur 180 pays par Transparency International dans son indice de perception de la corruption. Avec un revenu annuel par habitant de 463 dollars, la mauvaise répartition des ressources est la cause directe du favoritisme, qui impacte les services publics et la création d’emplois.
Les citoyens malawites portent un intérêt particulier à la manière dont le Bureau anticorruption du Malawi (ACB) et les autres organismes de lutte contre la corruption seront renforcés. En effet, le Bureau anticorruption, mis en place depuis 1998, avait été privé de fonds après avoir gagné en indépendance au cours des trois années de mandat de la directrice générale Martha Chizuma. Cette dernière a dû faire face à de nombreux obstacles institutionnels avant d’être forcée à démissionner en 2024, après avoir battu le record de 119 affaires traitées par l’organisme, notamment à l’encontre de personnalités politiques de premier plan dans le cadre d’affaires de corruption et de fraude dans la passation de marchés.
Une diversification nécessaire de l’économie
L’autre thème majeur de la campagne a été la diversification durable de l’économie, compte tenu de sa forte dépendance à l’agriculture. Avec l’une des populations les plus jeunes d’Afrique, qui a doublé au cours des vingt dernières années, le pays est vulnérable en raison de la diminution des exploitations agricoles et par le recul de 21 % des forêts depuis 2022. Cette déforestation contribue à la perte de fertilité des sols, de la biodiversité et de la rétention d’eau. 89 % des foyers malawites n’étant pas électrifiés, la demande de charbon de bois comme source d’énergie exerce une pression supplémentaire sur ces ressources foncières, rendant le pays très vulnérable aux cyclones tels qu’Idai et Freddy, deux tempêtes qui ont frappé le pays en 2024.
Des institutions qui résistent
Malgré des tensions lors de la campagne électorale dues aux critiques sur la commission électorale du Malawi, accusée de partialité, la population garde confiance en la Cour constitutionnelle. Après avoir rejeté les résultats de l’élection présidentielle de 2019, dont le vainqueur proclamé était le président sortant Peter Mutharika, elle a ordonné un nouveau scrutin remporté par la coalition formée par Lazarus Chakwera. La société civile exige des niveaux très élevés de transparence, le respect de l’État de droit et la redevabilité des politiciens envers le peuple.
Concernant les médias, le pays dispose de médias indépendants très actifs qui, depuis la prise de fonction du président sortant Lazarus Chakwera, ont bénéficié d’un soutien renforcé et de l’attribution de davantage de fréquences radio, ce qui a permis d’améliorer la diversité de la radiodiffusion. Les Malawites font également confiance à leur armée, réputée pour son professionnalisme et son indépendance, notamment lorsque le gouvernement de Peter Mutharika avait fait pression sur elle pour réprimer les manifestants lors de la crise électorale de 2019.
Les élections du 16 septembre 2025 au Malawi présentent donc des enjeux cruciaux quant à la capacité des institutions civiques et des tribunaux à garantir un processus équitable, et à l’efficacité des coalitions réformistes à s’unir pour forger une voie permettant de relever les défis urgents du Malawi.