Présidentielle 2025 en Côte d’Ivoire : début d’une campagne électorale sous tension


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Vote (illustration)
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À deux semaines du scrutin présidentiel prévu le 25 octobre 2025, la Côte d’Ivoire entre dans une phase décisive : celle de la campagne électorale. Depuis le 10 octobre, les cinq candidats officiellement retenus par le Conseil constitutionnel se lancent dans une rude bataille pour convaincre un électorat fragmenté, dans un climat politique chargé et parfois incertain. Si les affiches, les meetings et les caravanes sont bien au rendez-vous, c’est surtout la légitimité du processus électoral et la mobilisation citoyenne qui concentrent les attentions.

Une campagne à cinq : des stratégies différentes pour séduire les électeurs

L’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, bien que marquée par l’absence de grandes figures comme Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, recalés par le Conseil constitutionnel, rassemble cinq candidats, chacun porteur d’un projet et d’un positionnement singulier.

Jean-Louis Billon : l’héritier en quête de légitimité

Ancien ministre et figure influente du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA), Jean-Louis Billon part en campagne sans le soutien officiel de sa formation politique. Le rejet de la candidature de Tidjane Thiam, président du PDCI, a laissé un vide stratégique. Pourtant, Billon, bien que candidat indépendant, tente de mobiliser la base militante du PDCI, notamment en entamant sa campagne à Koumassi et Marcory, deux communes abidjanaises symboliques. Une stratégie d’ancrage local visant à rallier les indécis du PDCI qui hésitent encore à franchir le pas.

Ahoua Don Mello : la souveraineté économique comme cheval de bataille

Ancien proche de Laurent Gbagbo et ex-membre du PPA-CI, Ahoua Don Mello se présente lui aussi comme indépendant, après avoir été écarté de son parti d’origine. Il concentre son message sur une vision économique souverainiste, prônant la transformation locale des ressources et l’indépendance vis-à-vis des institutions financières internationales. Son programme, qu’il porte de Cocody à Bouaké, vise à séduire les électeurs populaires et les jeunes diplômés en quête de perspectives.

Simone Gbagbo : l’ancrage rural et l’économie locale

Présente à Bouaflé, au cœur du centre cacaoyer, Simone Ehivet Gbagbo mise sur un électorat rural, en mettant en avant un pilier de son programme : la transformation des produits agricoles locaux. Une orientation politique qui lui permet de se différencier et de toucher une population souvent négligée par les discours classiques des candidats. En capitalisant sur son nom, son expérience et un certain charisme, elle espère combler l’absence de son ex-époux Laurent Gbagbo.

Henriette Lagou : pour la paix et la cohésion sociale

La seconde femme en lice, Henriette Lagou, porte un message centré sur la réconciliation nationale, la paix et le vivre-ensemble. Son meeting prévu à Daoukro, fief du PDCI, n’est pas anodin : elle cherche à intercepter l’électorat orphelin de Thiam, en adoptant un ton rassembleur, loin des querelles partisanes.

Alassane Ouattara : le sortant vise un score massif

Le Président sortant Alassane Ouattara, en campagne pour un nouveau mandat, bénéficie du soutien actif de son parti, le RHDP. Il animera un grand meeting à Daloa et vise une victoire nette. Le ton est donné par Ibrahim Cissé Bacongo, secrétaire exécutif du RHDP, qui fixe un objectif ambitieux : au moins 75% des voix. Pour Ouattara, l’enjeu est double : renforcer sa légitimité et faire taire les critiques sur l’exclusion de certains poids lourds de l’opposition.

Les absences qui pèsent lourd

La non-participation de Laurent Gbagbo (PPA-CI) et Tidjane Thiam (PDCI) a bouleversé le paysage électoral. Le Conseil constitutionnel, en invoquant des motifs administratifs et juridiques, a écarté leurs candidatures, suscitant colère et incompréhension dans une partie de l’opinion. Cette décision a provoqué la naissance d’un Front commun, alliance inédite entre les partisans des deux leaders, qui réclame des élections transparentes et inclusives.

Une marche pacifique prévue à Cocody, à l’initiative du Front commun, a été interdite par les autorités. Officiellement, le préfet d’Abidjan évoque des risques de troubles à l’ordre public. Pourtant, les organisateurs affirment vouloir simplement marcher pour la paix et les libertés. Une trentaine de militants du PDCI et du PPA-CI ont déjà été interpellés et placés sous mandat de dépôt. De quoi nourrir les inquiétudes sur la liberté d’expression et le pluralisme politique en Côte d’Ivoire.

Abstention ou participation massive ?

La mobilisation des électeurs sera sans doute l’un des critères les plus observés dans cette élection. Les appels au boycott d’une partie de l’opposition, les frustrations liées aux exclusions et les interdictions de manifestations pourraient favoriser une abstention élevée. Les partis en lice, y compris le RHDP, redoublent donc d’efforts pour inciter les citoyens à voter.

Au-delà des résultats chiffrés, c’est la légitimité du processus démocratique qui est en jeu. Dans un pays marqué par des tensions post-électorales dans un passé récent, le bon déroulement de cette campagne, l’acceptation des résultats et la capacité des institutions à rester neutres sont essentiels pour préserver la stabilité politique.

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Très attaché à l’Afrique Centrale que je suis avec une grande attention. L’Afrique Australe ne me laisse pas indifférent et j’y fais d’ailleurs quelques incursions
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