Polémique au Maroc : une campagne contre les migrants subsahariens secoue le royaume chérifien


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Migrants Maroc
Des migrants au Maroc

Une vague de contestation en ligne secoue actuellement le Maroc. Une campagne virale appelle à l’expulsion des migrants d’Afrique subsaharienne et à leur exclusion du marché locatif. Ce mouvement, aux relents identitaires assumés, divise profondément l’opinion publique.

Depuis plusieurs semaines, une campagne lancée sur les réseaux sociaux marocains fait couler beaucoup d’encre. Intitulée « Non à l’installation des Africains subsahariens », cette initiative, portée par des internautes et relayée massivement, suscite des débats intenses. Si ses promoteurs affirment vouloir défendre la sécurité et l’identité nationale, d’autres y voient une dérive dangereuse vers la xénophobie.

Une campagne qui stigmatise une communauté

La campagne en question cible principalement les migrants originaires d’Afrique subsaharienne, en particulier ceux qui vivent sur le territoire marocain sans titre de séjour. Les messages publiés par les initiateurs de cette initiative dénoncent des comportements qu’ils jugent problématiques, allant jusqu’à accuser ces populations de crimes ou d’agressions. Ils justifient leur prise de position par une volonté affichée de protéger la société marocaine de prétendues dérives imputées à certains migrants.

Parallèlement à cette demande d’expulsion, une autre revendication a vu le jour : celle d’interdire aux migrants subsahariens l’accès au logement. Des appels à l’attention des propriétaires immobiliers circulent, les incitant à ne plus louer leurs biens à des ressortissants de cette région. Les tenants de cette position avancent que plusieurs incidents dans différentes villes seraient dus à des comportements « inappropriés » de la part de ces locataires.

Des arguments identitaires au cœur du discours

Les soutiens de cette mobilisation affirment que l’arrivée massive de migrants mettrait en péril « la lignée marocaine » et pourrait entraîner des changements sociaux et culturels jugés indésirables. Le discours se fonde donc largement sur des arguments identitaires, voire ethniques, et s’inscrit dans une volonté de régulation des flux migratoires perçus comme incontrôlés.

Cette rhétorique trouve un écho dans certains segments de la population, d’autant plus que la campagne est apparue peu après une série d’incidents violents dont les auteurs présumés seraient des migrants subsahariens. Pour les organisateurs, cela justifie la mise en place de mesures strictes afin de mieux encadrer l’immigration irrégulière et d’éviter toute dégradation du climat social.

Réactions contrastées au sein de la société marocaine

La campagne ne fait cependant pas l’unanimité. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer ce qu’elles considèrent comme une campagne haineuse et discriminatoire. Des associations de défense des droits humains, des journalistes, mais aussi de simples citoyens, ont exprimé leur inquiétude face à une montée des discours de rejet et de stigmatisation au Maroc.

Pour ces opposants, le ciblage d’une population entière sur la base de son origine géographique constitue une forme de racisme, contraire aux valeurs de tolérance historiquement présentes dans la société marocaine. Ils rappellent également que nombre de migrants vivent dans des conditions extrêmement précaires, parfois après avoir fui des contextes de guerre ou de pauvreté extrême.

Des précédents similaires ailleurs sur le continent

Dans plusieurs pays, des tensions similaires ont émergé face aux flux migratoires intra-africains, souvent exacerbées par des difficultés économiques ou des problèmes de sécurité. En Afrique du Sud, par exemple, les violences xénophobes à l’encontre des ressortissants étrangers,  notamment originaires du Zimbabwe, du Nigeria ou de la République Démocratique du Congo, sont un phénomène récurrent.

Depuis les années 2000, plusieurs vagues d’attaques ont visé des communautés entières, parfois avec des conséquences meurtrières. Les motivations avancées sont très proches de celles exprimées dans la campagne marocaine : protection de l’emploi local, insécurité, et rejet de l’« étranger ».

Des tensions comparables en Côte d’Ivoire et en Libye

La Côte d’Ivoire a également connu des épisodes de rejet de certaines populations d’origine étrangère, notamment au moment des tensions politiques des années 1990 et 2000. La notion d’« ivoirité » avait alors été utilisée pour exclure certaines personnes du débat politique, et des violences avaient éclaté entre communautés.

En Libye, la situation des migrants subsahariens est particulièrement dramatique. Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, de nombreux migrants en transit vers l’Europe sont victimes de violences, de détentions arbitraires et même de réseaux d’esclavage moderne. Le rejet de ces populations y est amplifié par l’absence d’un État stable et par la montée des milices armées.

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Je suis passionné de l’actualité autour des pays d’Afrique du Nord ainsi que leurs relations avec des États de l’Union Européenne.
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