
Huit ans après sa mise en examen pour viols et agressions sexuelles commis en Guinée, Frère Albert, un religieux octogénaire, attend toujours d’être jugé. Ce délai « extrêmement long » et le fait que l’accusé, qui a reconnu les faits, vive « librement » en France suscitent l’indignation des associations et des victimes guinéennes. Elles craignent que la justice n’attende le décès de l’homme pour classer l’affaire.
Un directeur d’école « intouchable » à Conakry
Les faits reprochés à Frère Albert, 82 ans, remontent à la période 1992-2002. Membre de la Congrégation des frères du Sacré-Cœur, il était alors directeur d’école à Conakry, en Guinée. Il est soupçonné d’avoir abusé de plusieurs adolescents qu’il entraînait dans l’équipe de football locale.
L’affaire a éclaté en 2002 et mené à son rappel en France par sa hiérarchie. L’homme avait lui-même avoué ses agissements lors d’une interview filmée en caméra cachée pour l’émission Cash Investigation en 2017. Il avait alors déclaré : « En Guinée, j’étais à un moment donné comme un intouchable (…) je me sentais invulnérable. » Il a également reconnu avoir distribué des enveloppes en échange du silence des jeunes.
Une instruction qui s’enlise depuis 2017
Malgré les aveux, la justice française semble peiner à boucler le dossier. Frère Albert, qui réside dans une maison de retraite près du Puy-en-Velay depuis son retour, a été mis en examen pour « viols et agressions sexuelles sur mineur » en 2017, soit quinze ans après la dénonciation des faits. Il a été placé sous contrôle judiciaire.
Malgré la complexité de l’enquête, qui s’est en partie déroulée à l’étranger, le parquet de Clermont-Ferrand a requis son renvoi devant la cour criminelle départementale en décembre 2024. Or, le juge d’instruction chargé du dossier n’a toujours pas rendu sa décision.
L’attente insoutenable des victimes africaines
Ce blocage judiciaire suscite la colère des victimes, dont l’avocate, Me Nadia Debbache, déplore auprès de l’AFP : « C’est extrêmement long pour mes clients ». L’une des trois victimes guinéennes qu’elle représente est décédée depuis, mais sa sœur a repris la procédure et espère toujours que justice soit rendue.
L’association Mouv’Enfants, qui lutte contre la pédocriminalité, réclame par ailleurs des moyens pour enquêter en Côte d’Ivoire, où le religieux était également en poste avant la Guinée.
L’avocate de Frère Albert, Me Aurélie Chambon, a de son côté insisté sur le fait que les faits ne sont « pas comparables » avec d’autres scandales ayant ébranlé l’Église. De son côté, la Congrégation des frères du Sacré-Cœur s’est limitée à déclarer que l’affaire est « dans les mains de la justice » et qu’elle n’avait « plus rien à dire. »




