
Le Président camerounais, Paul Biya, a annoncé ce dimanche 13 juillet 2025 sa candidature à un huitième mandat consécutif à la tête de l’État, à l’âge de 92 ans et après près de 43 ans au pouvoir. Cette déclaration, publiée sobrement sur les réseaux sociaux, rompt avec les usages internes de son propre parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), et confirme une fois de plus l’ancrage d’un pouvoir hyperpersonnalisé, hermétique à la transition démocratique et insensible aux dynamiques de renouveau politique.
Au fond, l’annonce de ce dimanche est tout, sauf une surprise. Depuis plusieurs semaines, les signes avant-coureurs d’un nouveau tour de piste présidentiel se multipliaient : réunions discrètes entre caciques du régime, mobilisations des relais régionaux du pouvoir, déclarations ambivalentes de ministres. Pourtant, l’effet de stupeur reste intact, tant cette candidature incarne une forme d’acharnement politique qui semble défier les lois de la biologie, de la décence et de l’histoire.
Un pouvoir figé dans l’immobilisme
Car qu’a-t-on à attendre d’un huitième mandat présidentiel, si ce n’est la prolongation d’un système à bout de souffle ? Depuis 1982, le Cameroun vit au rythme d’un pouvoir verrouillé, marqué par l’immobilisme, les violations des droits humains, la centralisation autoritaire et une élite politique vieillissante. La longévité du chef de l’État est devenue moins une preuve de stabilité que le symptôme d’un blocage démocratique profond. À l’heure où l’Afrique connaît, ici et là, des transitions jeunes, dynamiques, parfois chaotiques mais souvent vivifiantes, le Cameroun reste figé, comme pris dans l’étreinte d’une histoire qui refuse d’avancer.
La justification avancée par le Président, selon laquelle il aurait « répondu favorablement aux appels pressants » venus des dix régions du pays et de la diaspora, sonne comme un refrain connu. Elle repose sur cette vieille rhétorique du « peuple qui réclame son chef », stratégie classique de légitimation des pouvoirs patrimoniaux en fin de cycle. Elle ne saurait faire oublier que ce pouvoir est aujourd’hui contesté, y compris dans ses rangs. Les défections récentes, notamment celles d’Issa Tchiroma Bakary ou de Bello Bouba Maïgari, montrent que l’unanimisme affiché par les médias d’État ne résiste plus aux fractures internes du régime.
Un contexte national alarmant
La candidature de Paul Biya intervient également dans un contexte politique et sécuritaire tendu. La crise anglophone continue de s’enliser dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, avec son cortège de violences, d’exactions et de déplacés. Le pays est confronté à des défis économiques majeurs, à une jeunesse désabusée, à une administration sclérosée. Face à cette réalité, le discours du Président promettant « sécurité » et « bien-être » sonne comme une rengaine sans crédibilité, tant les « résultats visibles et appréciables » qu’il évoque sont de plus en plus difficiles à percevoir pour la majorité des Camerounais.
Au lieu de préparer le pays à une transition apaisée, inclusive et moderne, Paul Biya préfère rejouer la carte du maintien, du statu quo, de l’éternel retour. Il prive ainsi le Cameroun d’une occasion historique de se réinventer. Encore une fois, il escamote le débat sur la relève, sur la transparence électorale, sur le renouveau des institutions. Il prolonge une ère où la compétition électorale semble verrouillée d’avance, face à une opposition persécutée, mais qui tente de se structurer autour de figures comme Maurice Kamto ou Cabral Libii.
Le peuple camerounais mérite mieux qu’une campagne refermée sur la figure d’un homme dont la longévité dépasse désormais celle de nombreux monarques. Il mérite une vraie élection, avec un véritable choix démocratique. Le temps est venu, pour le Cameroun, de sortir du cycle des candidatures éternelles, de construire une démocratie vivante, capable d’inclure sa jeunesse, ses femmes, ses régions, et de penser l’avenir au lieu de ressasser un passé figé.
Paul Biya pourra bien se présenter. Mais l’histoire, elle, ne se répète jamais tout à fait. Elle pourrait bien finir par le dépasser.