
En 2025, une figure bien connue du paysage financier marocain fait à nouveau parler de lui pour autre chose que ses investissements ou sa longévité : Othman Benjelloun, président de Bank of Africa, est redevenu l’homme le plus riche du Maroc, selon le classement annuel du magazine américain Forbes. Une distinction qui relance les comparaisons avec un autre détenteur historique de grande fortune au royaume : le roi Mohammed VI.
Avec une fortune estimée à 2 milliards de dollars, Othman Benjelloun a vu son patrimoine personnel croître de 400 millions de dollars en un an, une progression remarquable pour un homme âgé de 93 ans, toujours actif dans ses affaires. Cet enrichissement fait de lui la 14ᵉ plus grande fortune d’Afrique et le place au 1 952ᵉ rang mondial, selon le dernier classement Forbes de 2025.
Une fortune construite autour de la finance et de la diversification
L’essentiel de la richesse de Benjelloun provient de sa participation de 27,41% dans Bank of Africa, l’un des groupes bancaires les plus influents du continent, présent dans plus de 20 pays africains. Grâce à une performance exceptionnelle en Bourse cette année, une hausse de plus de 25% de la capitalisation boursière, portant celle-ci à 6,1 milliards de dollars, la part de Benjelloun dans la banque est désormais évaluée à 1,7 milliard de dollars.
Mais le banquier ne se limite pas à la sphère bancaire. À travers sa holding FinanceCom, il détient des participations stratégiques dans l’assurance, les télécommunications, notamment via des liens capitalistiques avec Orange Maroc, et l’immobilier de prestige. Il possède également le Ranch Adarouch, l’une des plus grandes exploitations privées du Maroc.
Mohammed VI : une fortune royale, mais moins transparente
Face à ce patrimoine bâti dans les affaires, la fortune du roi Mohammed VI est plus difficile à estimer avec précision. En 2015, Forbes l’évaluait à environ 5,7 milliards de dollars, ce qui faisait de lui, à l’époque, le souverain africain le plus riche. Toutefois, ce chiffre n’a pas été mis à jour dans les dernières éditions du classement. La fortune royale est majoritairement liée au groupe Al Mada (anciennement SNI, Société Nationale d’Investissement), une holding à capitaux privés contrôlée par la famille royale.
Al Mada est présente dans des secteurs clés de l’économie marocaine : banque (Attijariwafa bank), énergie (Nareva), distribution (Marjane, Label’Vie), télécommunications (Inwi) et immobilier de luxe. La structure du patrimoine royal est plus diversifiée et institutionnalisée que celle de Benjelloun, mais également moins transparente. Contrairement aux fortunes individuelles recensées par Forbes, celle du roi est en partie diluée dans des entités où les participations personnelles ne sont pas toujours publiques. Par ailleurs, certaines sources affirment que Mohammed VI aurait réduit son exposition directe à certains secteurs au fil des années, rendant difficile une comparaison nette avec des fortunes privées comme celle d’Othman Benjelloun.
Deux fortunes, deux trajectoires
L’évolution des deux fortunes suit des trajectoires très différentes : Othman Benjelloun, issu d’une famille d’industriels, a construit sa fortune sur plusieurs décennies, en misant sur la croissance bancaire panafricaine, puis en diversifiant progressivement ses investissements. Son approche reste fortement personnalisée et familiale, bien que structurée à travers FinanceCom.
Mohammed VI, en tant que monarque, a hérité d’un patrimoine économique nationalisé sous Hassan II, qu’il a transformé à travers Al Mada pour en faire un instrument de modernisation économique. Sa fortune reste donc étroitement liée à son rôle institutionnel et aux choix politiques de développement du royaume. Mais ce qui distingue Othman Benjelloun, c’est sa capacité à s’inscrire dans cette dynamique en tant qu’acteur économique privé dans un contexte souvent dominé par des fortunes héritées ou politiques.
Plus grande fortune individuelle privée du Maroc
Au-delà des chiffres, la fortune d’Othman Benjelloun s’accompagne d’un engagement philanthropique réel. En 2016, lui et son épouse ont reçu le prix David Rockefeller Bridging Leadership pour leur contribution à l’éducation, notamment dans les zones rurales marocaines. Une reconnaissance internationale qui conforte l’image d’un patriarche soucieux de transmettre un héritage au-delà du capital.
Si la fortune du roi Mohammed VI reste probablement supérieure en valeur absolue, Othman Benjelloun s’impose désormais comme la plus grande fortune individuelle privée et visible du Maroc. Son ascension récente, à plus de 90 ans, reflète à la fois la solidité de son empire financier et la capacité du secteur privé marocain à rivaliser avec les plus grandes fortunes du continent.