
Moins d’une semaine après la dissolution soudaine de l’ensemble des partis politiques maliens, la vague d’indignation gagne l’étranger. Tandis que des Maliens de France manifestaient leur colère devant l’ambassade à Paris, le Haut‑Commissariat des Nations unies aux droits humains sommait Bamako d’abroger « un décret draconien ».
Entre dénonciation d’une dérive autoritaire et inquiétudes sur les disparitions forcées, la transition militaire malienne se retrouve plus isolée que jamais.
Un décret qui décapite la vie politique
Adopté le 13 mai lors d’un Conseil des ministres extraordinaire, le décret présidentiel interdit toute activité partisane sur l’ensemble du territoire. Il met fin, d’un trait de plume, à la compétition politique déjà bridée depuis les putschs de 2020 et 2021. Aux yeux du pouvoir, il s’agissait de prévenir des « troubles à l’ordre public » après la mobilisation organisée le 3 mai par une vingtaine de formations réclamant le retour des civils aux commandes. Pour l’opposition, cette mesure parachève la confiscation de l’espace civique et ferme la porte à toute alternance.
Paris, lieu de ralliement d’une diaspora en colère
Samedi 17 mai, une trentaine de manifestants se sont réunis devant l’ambassade du Mali à Paris. Pancartes brandies contre la « junte liberticide », ils ont dénoncé une « dérive autoritaire qui piétine la Constitution ». Si la mobilisation reste modeste, elle symbolise la fracture entre la diaspora malienne et un régime accusé de durcir sa mainmise sur la société civile. Dans les rangs des protestataires, on redoute désormais que les arrestations de militants à Bamako ne se multiplient à huis clos.
L’avertissement sans détour de l’ONU
Dès le 16 mai, le Haut‑Commissaire Volker Türk a exigé l’abrogation immédiate du décret et le rétablissement des libertés politiques. Son communiqué fustige un texte « contraire aux obligations internationales du Mali » et fait état d’au moins trois opposants arrêtés puis « disparus » depuis les manifestations du début du mois. L’ONU rappelle que les restrictions à la participation citoyenne doivent rester « nécessaires, proportionnées et limitées dans le temps », conditions manifestement absentes en l’espèce.
Une transition qui s’enlise
La junte, qui avait promis des élections pour mars 2024, ne présente plus aucun calendrier crédible. Le décret sur les partis marque un nouveau renoncement à l’engagement initial : transférer le pouvoir à des civils élus. L’impasse politique se double d’une crise sécuritaire aiguë. Sur le terrain, les violences djihadistes prolifèrent et l’ONU documente une hausse de 120 % des violations des droits humains entre 2023 et 2024, pointant aussi la responsabilité de l’armée malienne et de ses alliés étrangers.
Le risque d’isolement international
En suspendant la chaîne TV5 Monde pour « manque d’impartialité », Bamako accentue un bras de fer diplomatique déjà tendu avec Paris et plusieurs partenaires occidentaux. À New York, les discussions se multiplient autour d’éventuelles sanctions ciblées si la transition persiste à fermer l’espace civique. De son côté, la société malienne, privée de relais politiques, pourrait se tourner vers la rue pour exprimer son mécontentement, ravivant le spectre d’un nouveau cycle d’instabilité.
La dissolution des partis politiques, loin de consolider l’autorité de la junte, fragilise davantage le processus de transition. Entre la pression internationale et la grogne intérieure, Bamako se trouve à la croisée des chemins : soit elle renoue avec un calendrier électoral inclusif, soit elle s’enferme dans un isolement qui risque de nourrir une contestation plus explosive encore.