
Le Royaume-Uni a annoncé son retrait définitif du financement du mégaprojet gazier Mozambique LNG, porté par TotalEnergies dans une région minée par l’insurrection jihadiste. Cette décision, justifiée par une hausse des risques sécuritaires et éthiques, accroît la pression sur les autres financeurs encore engagés.
Le Royaume-Uni a annoncé lundi son retrait définitif du financement du projet Mozambique LNG, un gigantesque projet gazier mené par la major française TotalEnergies dans le nord du Mozambique. Londres met fin à son engagement, qui pouvait atteindre 1,15 milliard de dollars (plus d’un milliard d’euros) en prêts et garanties publiques. Cette décision intervient après une réévaluation des risques, notamment sécuritaires et éthiques, qui entourent ce projet controversé.
Une hausse des risques et les intérêts des contribuables
Le ministre du Commerce britannique, Peter Kyle, a confirmé la nouvelle dans une déclaration au Parlement. Il a expliqué que le gouvernement travailliste, soumis à des pressions croissantes des ONG, avait décidé de mettre fin à la participation de l’UKEF (UK Export Finance), l’agence britannique de crédit à l’export.
« Après un examen détaillé, le gouvernement britannique a décidé de mettre fin à la participation de l’UKEF au projet », a déclaré M. Kyle. Il a justifié cette annulation en affirmant que les risques liés au projet avaient « augmenté depuis 2020 » et que le financement britannique ne servait plus « les intérêts de notre pays » ni ceux des contribuables britanniques.
Les violences de Cabo Delgado au centre de la controverse
Le soutien financier britannique avait été suspendu en 2021 après que TotalEnergies eut invoqué la « force majeure » suite à la détérioration spectaculaire de la sécurité dans la province de Cabo Delgado, au nord du Mozambique. Cette région est en proie à une insurrection menée par un groupe affilié à l’État islamique.
L’attaque de la ville voisine de Palma en mars 2021, qui a fait des centaines de morts (dont 55 ouvriers du projet, selon une enquête), a marqué un tournant. L’ampleur des massacres et les accusations de violations des droits humains par des soldats mozambicains chargés de protéger le site ont placé le projet au centre d’une crise éthique et sécuritaire. TotalEnergies est d’ailleurs visée à Paris par une plainte pour « complicité de crimes de guerre, torture et disparitions forcées ».
L’avenir du projet et la pression sur les banques
Malgré le retrait britannique, TotalEnergies, maître d’œuvre et premier actionnaire (26,5 % des parts) du projet, a récemment annoncé la levée de la force majeure. Le géant français des hydrocarbures, qui réclame une compensation de 4,5 milliards de dollars pour le retard, espère reprendre la production en 2029 pour un investissement total de 20 milliards de dollars.
La décision de Londres est perçue comme une victoire par les organisations non gouvernementales. Adam McGibbon, de l’ONG Oil Change International, a salué la « bonne décision », tandis qu’Antoine Bouhey, de Reclaim Finance, a appelé les banques, notamment le Crédit agricole et la Société générale, qui soutiennent toujours le projet, à « retirer leur soutien » à leur tour.
Le projet Mozambique LNG, ainsi que ceux menés par ExxonMobil (qui a aussi levé la force majeure) et l’italien ENI, pourrait faire du Mozambique l’un des dix premiers producteurs mondiaux de gaz à l’horizon 2040.





