TotalEnergies de retour au Mozambique : relancer le gaz, malgré les braises de l’insécurité


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Après quatre années d’interruption forcée, TotalEnergies annonce un possible redémarrage de son gigantesque projet de gaz naturel liquéfié au Mozambique. Si la déclaration de force majeure est levée cet été, les travaux reprendront à Afunji. Mais dans la province de Cabo Delgado, toujours marquée par les violences jihadistes, cette relance suscite autant d’espoirs économiques que de craintes sécuritaires.

Quatre ans après une attaque jihadiste ayant contraint TotalEnergies à suspendre son méga-projet gazier au Mozambique, le géant français s’apprête à faire son grand retour sur les rives de la péninsule d’Afunji. Une annonce officielle a été faite lors de la Conférence mondiale sur le gaz à Pékin : si le gouvernement mozambicain l’autorise, la déclaration de force majeure pourrait être levée d’ici l’été 2025, permettant ainsi la reprise des travaux du chantier de gaz naturel liquéfié (GNL). Mais derrière cet enthousiasme affiché se cachent encore des incertitudes, notamment sécuritaires, qui ravivent les craintes d’un retour précipité dans une région toujours sous tension.

Un projet colossal suspendu depuis 2021

Avec un investissement estimé à 20 milliards de dollars, le projet Mozambique LNG représente l’un des plus ambitieux chantiers gaziers du continent africain. Piloté par TotalEnergies, il prévoit le développement des champs offshore de Golfinho et Atum, ainsi que la construction d’une usine de liquéfaction de gaz d’une capacité de 13,1 millions de tonnes par an. Pourtant, en 2021, une série d’attaques violentes perpétrées par des groupes armés islamistes dans la province de Cabo Delgado avait poussé l’entreprise à déclarer la force majeure, suspendant immédiatement les activités sur le site d’Afunji.

Aujourd’hui, TotalEnergies affirme que la situation sécuritaire s’est « améliorée », ce qui justifierait la relance du projet. Mais cet optimisme n’est pas unanimement partagé. Pour Nicolas Delaunay, analyste à l’International Crisis Group, si la zone autour d’Afunji semble plus stable, l’insurrection armée dans la région n’est pas éradiquée. « Les insurgés conservent une force de frappe non négligeable », explique-t-il, soulignant que le redéploiement de forces armées pour sécuriser le chantier pourrait accentuer les tensions sociales et politiques dans cette région déjà marginalisée.

Un enjeu économique majeur pour le Mozambique

Malgré les risques, le gouvernement mozambicain reste favorable à la relance de ce projet stratégique pour le pays. En parallèle, d’autres initiatives dans le secteur gazier se multiplient, comme le projet Coral Norte opéré par Eni, ou encore les exportations de GNL via Coral Sul. Selon la Banque africaine de développement, la production de gaz pourrait devenir le principal moteur de croissance du Mozambique, avec une prévision de croissance du PIB réel de 5,2 % entre 2024 et 2025. L’appui financier international, notamment un soutien américain de près de 5 milliards de dollars, renforce encore les espoirs de transformation économique.

Toutefois, la reprise du projet Mozambique LNG risque de raviver le sentiment d’injustice dans la province de Cabo Delgado. De nombreux habitants estiment que leurs préoccupations sécuritaires sont reléguées au second plan face à l’appétit économique des autorités et des investisseurs étrangers. « Cela alimente le ressentiment et renforce le sentiment de marginalisation », avertit Nicolas Delaunay. Le retour de TotalEnergies, s’il n’est pas accompagné de garanties de sécurité durable et d’un développement local inclusif, pourrait devenir un facteur aggravant dans un conflit qui couve toujours.

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