Les Comores misent sur un corridor maritime pour transformer leur économie insulaire


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Les Comores
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Un investissement massif de 247 millions de dollars doit permettre à l’archipel de l’océan Indien de devenir un carrefour logistique entre l’Afrique et l’Asie, tout en modernisant des infrastructures portuaires vieillissantes.

Le 27 octobre dernier, le président Azali Assoumani a officiellement lancé à Moroni un ambitieux projet de corridor maritime, soutenu par un consortium de bailleurs internationaux mené par la Banque africaine de développement (BAD). L’Union des Comores relance sa stratégie de développement économique.

Un financement international d’envergure

Avec 137 millions de dollars apportés par le Groupe de la BAD – dont 135 millions via le Fonds africain de développement – ce projet mobilise au total près de 247 millions de dollars. La Banque mondiale, la Banque islamique de développement, l’Agence française de développement, rejointes prochainement par l’Union européenne et la Banque européenne d’investissement, complètent ce tour de table financier exceptionnel pour ce petit État insulaire de moins d’un million d’habitants.

Cette mobilisation internationale témoigne de l’importance stratégique accordée aux Comores, situées à l’entrée nord du canal du Mozambique, sur l’une des routes maritimes les plus fréquentées reliant l’Asie à l’Afrique de l’Est.

Des infrastructures portuaires en mutation

Le projet vise avant tout à moderniser des installations portuaires qui constituent aujourd’hui un goulot d’étranglement pour le développement économique de l’archipel. Les ports de Moroni (Grande Comore), Mutsamudu (Anjouan) et potentiellement Boingoma (Mohéli) devraient bénéficier d’améliorations substantielles : nouveaux quais, équipements de manutention modernes, systèmes de gestion portuaire digitalisés.

Le projet prévoit aussi la création d’une zone économique spéciale, un outil de développement qui a fait ses preuves dans d’autres pays insulaires comme Maurice. Cette zone pourrait attirer des investissements dans la transformation des produits de la pêche, le conditionnement des produits agricoles du pays (vanille, ylang-ylang, girofle) et des activités logistiques.

Dans un contexte de changement climatique particulièrement préoccupant pour les petits États insulaires, le Centre Mondial pour l’Adaptation a été associé au projet pour évaluer les risques climatiques. Les nouvelles infrastructures intégreront des mesures d’adaptation face à la montée du niveau de la mer et à l’intensification des cyclones dans la région.

Un pari sur l’intégration régionale

Ce corridor maritime s’inscrit dans le Plan Comores Émergent 2030, la feuille de route développement du pays. Il répond également aux priorités de la Stratégie décennale 2024-2033 de la BAD et aux « Quatre points cardinaux » de son président Sidi Ould Tah, qui met l’accent sur les infrastructures résilientes et l’intégration régionale africaine.

Pour les Comores, membre de la Commission de l’océan Indien et du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), ce projet représente une opportunité de sortir de leur isolement géographique et de s’arrimer aux dynamiques commerciales régionales. Les échanges avec Madagascar, les pays d’Afrique de l’Est et les marchés du Golfe pourraient s’intensifier.

Le gouvernement comorien mise sur la création de milliers d’emplois, particulièrement pour les jeunes qui représentent plus de 60% de la population. Les secteurs de la pêche et de l’agriculture, qui emploient la majorité de la population active, devraient bénéficier de nouvelles opportunités d’exportation et de transformation locale.

La ministre des Transports, Yasmine Hassane Alfeine, voit dans ce projet « une nouvelle étape dans la modernisation » du pays. Reste à transformer cette vision en réalité concrète, dans un contexte où les Comores font face à de multiples défis : instabilité politique récurrente, faiblesse des capacités institutionnelles, vulnérabilité aux chocs externes.

Depuis 1977, la BAD a investi environ 530 millions de dollars aux Comores dans les transports, l’énergie, l’agriculture et la gouvernance. Ce nouveau projet de corridor maritime, par son ampleur et sa complexité, constituera un test important de la capacité du pays à absorber efficacement l’aide internationale et à la transformer en développement durable.

Masque Africamaat
Spécialiste de l'actualité d'Afrique Centrale, mais pas uniquement ! Et ne dédaigne pas travailler sur la culture et l'histoire de temps en temps.
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