Le Marocain et la Française : destins croisés dans la tragédie du funiculaire de Lisbonne


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Le funiculaire de Lisbonne
Le funiculaire de Lisbonne

Lisbonne, mercredi 3 septembre, 18h02. En plein cœur de la capitale portugaise, un grincement métallique se fait entendre dans la vieille rue escarpée reliant la place du Rossio aux hauteurs de Bairro Alto. Puis, un fracas. Une scène de chaos s’abat brutalement : le célèbre funiculaire de Glória, joyau centenaire de la ville, vient de dérailler à pleine vitesse, s’écrasant contre la façade d’un immeuble en contrebas.

Parmi les débris fumants, les cris et la panique, deux étrangers tentent de reprendre leurs esprits. Lui est Marocain, venu découvrir les ruelles lisboètes après un séminaire professionnel à Porto. Elle, une Française en vacances, fascinée par l’architecture baroque et les tramways jaunes de la capitale.Ils ne se connaissaient pas. Ils n’avaient échangé que quelques mots banals, partagés un sourire au moment de monter à bord de la cabine. Le reste, c’est le destin qui s’en est chargé.

Un instant d’insouciance, puis la chute

Ce jour-là, le ciel était dégagé. Comme souvent en septembre à Lisbonne, les rues étaient animées, les appareils photo crépitaient. Le funiculaire Glória, attraction touristique autant que moyen de transport, circulait comme à son habitude sur ses rails inclinés de 48 mètres de dénivelé. Mais un détail, invisible pour les passagers, allait tout faire basculer : un câble de tension, apparemment défectueux.

Le véhicule grimpe, puis redescend. Un léger tremblement. Un à-coup. Et soudain, la cabine s’emballe, échappe à tout contrôle. La vitesse augmente, les freins ne répondent plus. Le virage en bas de la pente n’est pas pris : le wagon sort de ses rails et fonce droit vers la façade d’un immeuble. L’impact est violent. Le bois éclate, les vitres volent en éclats, le métal se tord.

Survivre, ensemble

Le Marocain, légèrement blessé au bras, a été projeté contre une barre métallique. Il se relève, sonné. Autour de lui, des corps, des sanglots, des appels à l’aide. La Française est coincée sous un siège renversé. Elle a perdu connaissance quelques instants, souffre d’une entorse et de contusions multiples, mais respire.

Sans réfléchir, il se précipite pour la libérer. Aidé par un autre passager, il parvient à la dégager. Dans les minutes qui suivent, les secours arrivent. Le vacarme laisse place aux sirènes, aux gilets fluorescents des pompiers, à l’évacuation. La scène est irréelle.

Le bilan s’alourdit, les questions s’accumulent

Le lendemain, le Portugal se réveille sous le choc. Le gouvernement décrète un deuil national. Le bilan est lourd : 17 morts, 21 blessés. Presque la capacité maximale du funiculaire. De nombreuses victimes sont des touristes. Les nationalités des morts ne sont pas toutes connues, mais parmi les blessés figurent 11 étrangers, dont un Marocain et une Française.

Les premiers éléments de l’enquête, rendus publics le 5 septembre, pointent vers une défaillance du système de freinage, causée par la rupture d’un câble. Des employés de la société Carris, qui exploite le funiculaire, affirment avoir alerté sur des problèmes récents. Pourtant, les documents internes révèlent que la dernière inspection avait jugé le système « conforme ».

Une rencontre gravée dans la mémoire

Le Marocain et la Française, aujourd’hui hors de danger, ont quitté l’hôpital. Ils ont accepté de témoigner anonymement dans un média local. Tous deux expriment une même gratitude : être en vie. Le drame les a profondément marqués. Et si leurs chemins ne se recroisent peut-être jamais, ils savent qu’ils partageront à jamais un souvenir unique, celui d’un instant suspendu entre la mort et la solidarité.

Le funiculaire de Glória, inauguré en 1885, était l’un des symboles de Lisbonne. L’enquête déterminera s’il était aussi devenu, au fil du temps, un piège oublié. Mais dans l’ombre de la tragédie, l’histoire de ces deux inconnus interpelle que parfois, l’humanité surgit là où l’on s’y attend le moins. Ailleurs, Rabat regarde Paris d’un mauvais œil après une série de portraits faits par Le Monde sur le roi Mohammed VI.

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Je suis passionné de l’actualité autour des pays d’Afrique du Nord ainsi que leurs relations avec des États de l’Union Européenne.
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