L’Algérie tire les leçons du drame d’El Harrach : fin de route pour les bus trentenaires


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Un accident de bus
Un accident de bus

Suite à la tragédie qui a coûté la vie à 18 personnes vendredi dernier, le président Tebboune ordonne le retrait massif des véhicules vétustes et refond la politique de sécurité routière. Analyse d’une réforme d’ampleur.

Vendredi 15 août 2025, en fin d’après-midi. Un bus bondé traverse le pont d’Oued El Harrach lorsque survient l’irréparable. Le véhicule bascule dans le vide, emportant avec lui 18 vies et blessant grièvement 25 autres passagers. Cette tragédie va déclencher une onde de choc en Algérie.

En effet, le drame d’El Harrach s’inscrit malheureusement dans une série noire qui endeuille régulièrement l’Algérie. Les accidents de la route sont malheureusement fréquents dans le pays. Depuis le début de l’été, trois accidents majeurs ont frappé le secteur du transport collectif, totalisant 27 victimes et près de 90 blessés. Au niveau national, les statistiques de la sécurité routière dessinent un panorama préoccupant. L’année 2024 s’est soldée par 3 740 décès sur les routes, accompagnés de plus de 35 000 blessés. Cette tendance haussière interpelle sur l’efficacité des politiques de prévention menées jusqu’à présent.

Face à l’ampleur du désastre, les autorités algériennes ont choisi la rupture et des décisions fortes sont tombées. D’abord l’interdiction pure et simple de circuler pour tous les autobus ayant franchi le cap des trois décennies de service. Cette mesure draconienne, voulue personnellement par le président de la République Abdelmadjid Tebboune, bouleverse les codes établis. Fini le temps des reports et des accommodements avec la vétusté. Les propriétaires de ces véhicules disposent désormais d’un ultimatum de six mois pour procéder au remplacement intégral de leur flotte.

Un parc automobile à bout de souffle à renouveller

Les chiffres parlent d’eux-mêmes et dressent un tableau saisissant de la réalité algérienne. Plus de 84 000 autobus sillonnent quotidiennement les routes du pays mais certains sont dans un état qui défie les règles élémentaires de sécurité.

L’autocar impliqué dans le drame d’El Harrach illustre parfaitement cette problématique. Mis en service en 2004, ce véhicule de 21 ans présentait déjà les stigmates d’un usage intensif et d’un entretien défaillant. Son conducteur, employé occasionnel cherchant à compléter ses revenus, a évoqué une défaillance mécanique soudaine avant la chute fatale.

En s’attaquant frontalement au problème de la vétusté, l’Algérie s’engage dans une modernisation forcée de son système de transport public. Cependant, les répercussions de cette politique vont dépasser l’ensemble de l’économie du secteur.

Les opérateurs privés, piliers du transport urbain et interurbain, devront réinventer leur modèle économique. Cette transition impose des investissements considérables que tous ne pourront pas assumer sans accompagnement. Le gouvernement promet son soutien.

Formation des conducteurs : l’autre chantier

Parallèlement au renouvellement des véhicules, une seconde réforme cible la formation des chauffeurs. Dorénavant, chaque accident mortel donnera lieu à une enquête approfondie incluant l’examen des pratiques des auto-écoles concernées. Cette innovation procédurale vise à traquer les défaillances dans l’attribution des permis de conduire.

Cette orientation répond à une réalité statistique inquiétante : la vitesse excessive constitue le facteur déclenchant de neuf accidents de bus sur dix selon les autorités. Un constat qui interroge sur la qualité de la formation initiale mais aussi sur les contrôles exercés par les employeurs et par la police de la route.

Défis économiques et sociaux

Le remplacement simultané de milliers de véhicules représente un défi financier colossal pour des entreprises souvent fragiles. La réussite de cette transition dépendra donc largement de la capacité de l’État à proposer des mécanismes de d’accompagnement financiers adaptés.

En outre, toute perturbation du service de transport pourrait affecter des millions d’usagers dépendants de ces liaisons pour leurs déplacements quotidiens. Il est donc nécessaire que l’évolution soit le plus neutre possible pour la population afin de maintenir la continuité du service.

En choisissant la voie de la fermeté, les autorités envoient un signal fort sur leur détermination à moderniser un secteur longtemps négligé.

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Ali Attar est un spécialiste reconnu de l'actualité du Maghreb. Ses analyses politiques, sa connaissance des réseaux, en font une référence de l'actualité de la région.
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