L’Afrique fait bloc contre la guerre des gouvernements au Soudan


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Union Africaine
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Alors que le Soudan s’enlise dans un conflit sanglant entre l’armée régulière et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), une nouvelle ligne rouge vient d’être franchie. L’annonce d’un gouvernement parallèle par les FSR a ravivé les craintes de partition du pays. Cette initiative, dénoncée de toutes parts, a été rejetée avec fermeté par l’Union africaine et plusieurs acteurs régionaux, qui y voient une grave menace pour l’unité soudanaise.

Les Forces de soutien rapide (FSR), alliées à divers groupes armés soudanais, ont, le 26 juillet 2025,  proclamé la création d’un gouvernement parallèle à partir de Nyala, dans le Kordofan du Sud. Cette annonce a immédiatement déclenché une vague de réactions hostiles dans la région. Baptisé « Paix et Unité », ce nouveau pouvoir autoproclamé inclut un Conseil présidentiel dirigé par Mohamed Hamdan Daglo, alias Hemedti, et un gouvernement civil mené par Mohamed Hassan al-Ta’ayshi.

L’initiative vise à administrer les zones contrôlées par les FSR, notamment au Darfour et au Kordofan. Mais cette manœuvre, loin d’être acceptée comme une tentative de stabilité locale, est perçue par la quasi-totalité des États africains et des instances internationales comme une menace grave à l’intégrité du Soudan.

L’Union africaine tire la sonnette d’alarme

Réunie en session le 30 juillet, l’Union africaine (UA) a vivement dénoncé la formation de ce gouvernement parallèle. Dans un communiqué sans ambiguïté, son Conseil de paix et de sécurité a appelé ses États membres à ne pas reconnaître cette autorité autoproclamée. L’UA y voit une tentative dangereuse de partition du pays, qui pourrait anéantir tous les efforts de paix engagés depuis la reprise des hostilités en avril 2023 entre les FSR et l’armée régulière.

L’organisation continentale condamne également les ingérences étrangères qui nourrissent le conflit, les qualifiant de violations flagrantes des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. L’objectif, selon l’UA, est d’éviter que le Soudan ne sombre dans un schéma de fragmentation similaire à celui vécu par d’autres pays de la région.

Un rejet unanime en Afrique et au-delà

La condamnation ne s’arrête pas aux portes de l’Union africaine. La Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), qui rassemble 12 pays d’Afrique centrale et de l’Est, a elle aussi dénoncé l’initiative des FSR. La Ligue arabe et l’Arabie saoudite ont emboîté le pas, qualifiant la manœuvre de hors-la-loi, incompatible avec les principes de souveraineté nationale.

L’Égypte, très concernée par la stabilité de son voisin du sud, a été la première à réagir. Le Caire a affirmé, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, qu’aucune forme de division du Soudan ne saurait être tolérée. Un message clair à destination de tous les acteurs internes ou externes qui nourriraient des velléités séparatistes.

Un Quartet divisé, une réunion internationale annulée

Dans ce climat de tensions, une réunion internationale prévue à Washington le 29 juillet, censée réunir les membres du « Quartet » (États-Unis, Égypte, Émirats arabes unis et Arabie saoudite), a été annulée. Aucune nouvelle date n’a été proposée, ce qui souligne la difficulté grandissante de parvenir à une position commune sur le Soudan.

En coulisses, des sources diplomatiques évoquent un désaccord profond entre l’Égypte et les Émirats. Ces derniers auraient proposé que ni l’armée régulière ni les FSR ne participent à la transition politique future du Soudan. Une idée inacceptable pour Le Caire, qui soutient ouvertement l’armée nationale dans ce conflit.

Une lutte pour le pouvoir maquillée en projet politique

Pour l’armée soudanaise et son gouvernement, cette initiative des FSR n’est rien d’autre qu’une manœuvre opportuniste. Le ministère des Affaires étrangères de Khartoum qualifie ce gouvernement de factice, tandis que le porte-parole de l’armée y voit une tentative de la famille Daglo de s’accaparer le pouvoir au détriment de la souveraineté nationale.

Les FSR, qui avaient gagné du terrain au début de la guerre, semblent désormais en perte de vitesse, notamment à Khartoum. Le lancement de ce gouvernement parallèle apparaît alors comme un moyen de reprendre la main sur le plan politique, en consolidant leur influence dans certaines régions. Le spectre d’une balkanisation du Soudan plane plus que jamais.

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