
L’arrestation de Moussa Mara, ancien Premier ministre du Mali, suscite de vives réactions dans les milieux politiques et sur les réseaux sociaux. À l’origine de cette affaire : une série de publications critiques sur la gestion économique du pays. Poursuivi pour « atteinte au crédit de l’État », Mara devient le symbole d’un débat sensible entre liberté d’expression et autorité gouvernementale.
Moussa Mara, ancien chef du gouvernement malien sous la Présidence d’Ibrahim Boubacar Keïta, fait l’objet d’une procédure judiciaire retentissante. Incarcéré depuis le 1er août 2025 sur décision du pôle national de lutte contre la cybercriminalité, il est poursuivi pour « atteinte au crédit de l’État », une accusation lourde de sens dans un contexte de tensions politiques et économiques croissantes. Son procès est attendu le 29 septembre prochain, dans un climat où la frontière entre critique politique et trouble à l’ordre public semble de plus en plus floue.
Une publication sur les réseaux qui fait polémique
L’affaire trouve son origine dans une série de messages postés sur X (anciennement Twitter) par Moussa Mara début juillet. L’un d’eux, particulièrement symbolique, évoque sa volonté de « se battre par tous les moyens » pour que le « soleil succède à la nuit ». Derrière cette métaphore poétique, les autorités judiciaires y ont vu une déclaration à caractère subversif, voire une incitation à la contestation politique.
L’ancien Premier ministre, connu pour ses prises de position directes et critiques, n’a pas mâché ses mots concernant la gestion financière du pays. Il a notamment dénoncé la récente opération de levée de fonds par l’État malien, alertant sur le niveau préoccupant de l’endettement public. Selon lui, le remboursement de cette dette risque de dépasser les capacités financières actuelles du pays, compromettant même le paiement des salaires des fonctionnaires à moyen terme.
L’endettement du Mali au cœur des critiques
Dans un autre message, daté du 25 juillet, Moussa Mara s’attaque frontalement aux choix budgétaires des autorités. Il dénonce un emprunt de 38,5 milliards de FCFA effectué sur les marchés financiers, dont 75% devront être remboursés dès l’année suivante, avec des intérêts élevés. Il pointe le risque d’un engrenage sans fin où l’emprunt servirait uniquement à rembourser les dettes antérieures.
Cette vision alarmiste pose une véritable question : jusqu’où le Mali peut-il aller dans l’endettement avant que cela ne devienne insoutenable ? Selon Mara, une concertation sous-régionale avec les autres membres de l’UEMOA, accompagnée d’un dialogue avec les bailleurs de fonds internationaux, devient urgente pour éviter une crise de solvabilité.
Entre liberté d’expression et préservation de l’image de l’État
Le gouvernement malien justifie l’arrestation par la nécessité de préserver l’autorité de l’État face à des propos jugés déstabilisateurs. Mais pour de nombreux observateurs, cette procédure judiciaire soulève un autre débat : celui de la liberté d’expression dans un pays en transition post-coup d’État. Ce climat de surveillance des discours publics, notamment sur les réseaux sociaux, est la preuve d’un resserrement de l’espace politique au Mali.
L’affaire Moussa Mara incarne un bras de fer entre une figure politique opposante et un régime en quête de stabilité et de légitimité. À deux mois de son procès, les soutiens de l’ancien Premier ministre dénoncent une procédure motivée par des considérations politiques, tandis que ses détracteurs l’accusent de chercher à affaiblir l’État malien.