Mali : Moussa Mara empêché de quitter le territoire sans justification officielle


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Moussa Mara, ancien Premier ministre malien
Moussa Mara, ancien Premier ministre malien

Le 21 juillet 2025, à l’aéroport international Modibo Keïta de Bamako, Moussa Mara, ancien Premier ministre du Mali, s’est vu interdire d’embarquer sur un vol à destination de Dakar. Il devait y prononcer le discours inaugural du 6ᵉ Dialogue sur la paix et la sécurité régionales dans le Sahel et le Sahara. Cette interdiction, imposée par deux policiers sans qu’aucune décision judiciaire ne lui soit présentée, soulève une vague d’indignation.

L’absence totale de fondement légal ou d’explication officielle alimente les soupçons d’une manœuvre arbitraire, sur fond de tensions politiques persistantes.

Une décision sans base légale apparente

Selon les avocats de Moussa Mara, aucune notification écrite n’a été remise à leur client. Les agents sur place se seraient contentés de lui signifier qu’ils avaient reçu des « instructions » de ne pas le laisser quitter le territoire. Maître Mountaga Tall, conseil de l’ancien Premier ministre, a dénoncé dans un communiqué une « violation flagrante » de ses droits fondamentaux, notamment la liberté de circulation et d’expression, garanties par la Constitution malienne. Il exige non seulement la levée immédiate de cette interdiction, mais aussi la communication officielle des motifs juridiques sous-jacents, s’ils existent.

Une affaire qui remonte à un simple message de soutien

En toile de fond de cette interdiction, une affaire qui semble anodine mais qui prend aujourd’hui une dimension politique. Début juillet, Moussa Mara avait publié un message sur les réseaux sociaux dans lequel il exprimait sa solidarité à des figures civiles et politiques détenues au Mali, dont l’activiste Ras Bath, l’imam Sidibé, ou encore le professeur Clément Dembélé. Il y affirmait vouloir « se battre par tous les moyens » pour que « le soleil succède à la nuit », une métaphore jugée subversive par certains.

Suite à ce tweet, il avait été convoqué par la Brigade d’investigation judiciaire, puis entendu par le procureur du tribunal de la Commune IV de Bamako les 15 et 16 juillet. À l’issue des auditions, aucune charge n’avait été retenue, et aucune restriction de mouvement n’avait été prononcée. Il était donc libre de ses mouvements, en théorie.

Une pratique de plus en plus courante sous la transition

Le cas de Moussa Mara n’est pas isolé. D’autres figures critiques du régime de transition ont déjà fait l’objet d’interdictions de voyager, souvent informelles et non documentées. Cette méthode, qui contourne les voies judiciaires habituelles, tend à se banaliser. Elle renforce les inquiétudes sur l’état de droit au Mali. Le silence des autorités maliennes face à ces dérives soulève des interrogations sur les intentions réelles du pouvoir de transition et sur la volonté de garantir un climat politique apaisé.

Une absence remarquée à une tribune régionale majeure

L’éviction de Moussa Mara du 6ᵉ Dialogue sur la paix au Sahel, organisé par la Fondation Friedrich-Ebert-Stiftung au Sénégal, constitue un signal important. En le privant de cette tribune, le régime malien empêche une voix d’opposition modérée de s’exprimer sur les enjeux régionaux capitaux, au moment même où le Sahel est en quête de solutions durables face à l’insécurité, à l’instabilité politique et aux tensions entre États.

L’interdiction de voyager imposée à Moussa Mara est perçue par de nombreux observateurs comme un coup porté à la liberté d’expression et à la pluralité politique au Mali. Elle révèle une volonté croissante, au sein du régime de transition, de contrôler non seulement les discours internes, mais aussi l’image du pays sur la scène internationale. À défaut d’un cadre légal transparent, ces pratiques contribuent à alimenter la méfiance, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

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