
Le géant automobile franco-italien a fait de sa participation au Salon commercial intra-africain d’Alger une vitrine de ses ambitions continentales. Entre partenariats stratégiques et innovations adaptées, le constructeur entend bien jouer un rôle de premier plan dans la transformation de la mobilité africaine.
La présence de Stellantis au Salon commercial intra-africain (IATF) d’Alger, les 5 et 6 septembre derniers, a été très remarquée. Pour le constructeur automobile, quatrième groupe mondial du secteur, l’Afrique représente aujourd’hui un véritable laboratoire d’innovation et un pilier de sa stratégie de croissance future.
Quand Tebboune valide la stratégie Stellantis
La visite du Président algérien Abdelmadjid Tebboune sur le stand Stellantis constitue un signal politique fort. Rarement un chef d’État africain offre-t-il une telle visibilité à un constructeur automobile étranger. Cette reconnaissance institutionnelle traduit l’importance accordée par Alger au développement de son industrie automobile, secteur dans lequel Stellantis s’est imposé comme un acteur incontournable depuis l’inauguration de son usine de Tafraoui en 2014.
Cette installation industrielle, située près d’Oran, a une capacité de production annuelle dépassant les 100 000 unités. Elle illustre la volonté du groupe de s’ancrer durablement sur le continent africain. « Nous croyons au potentiel du continent à être un leader en matière d’innovation« , affirme Samir Cherfan, directeur des opérations Stellantis pour le Moyen-Orient et l’Afrique, résumant l’état d’esprit qui anime le constructeur.
L’engouement de Stellantis pour l’Afrique s’inscrit dans une tendance de fond. Avec une population de 1,4 milliard d’habitants, dont 60% ont moins de 25 ans, le continent présente un potentiel de croissance que les constructeurs automobiles ne peuvent ignorer. Le taux de motorisation, encore faible comparé aux standards occidentaux, laisse entrevoir des perspectives de développement considérables.
Pour autant, conquérir l’Afrique nécessite une approche spécifique. Les modèles économiques européens ou américains ne s’appliquent pas mécaniquement aux réalités africaines. C’est précisément ce défi que Stellantis entend relever en développant des solutions de mobilité adaptées aux contextes locaux.
Le pari de la micromobilité électrique

L’une des annonces les plus remarquées de Stellantis concernait la présentation de son FIAT TRIS, premier véhicule électrique à trois roues du groupe. Loin des SUV premium qui font la fortune des constructeurs sur les marchés matures, ce tricycle électrique cible les besoins spécifiques de la livraison urbaine africaine.
Cette innovation illustre la stratégie d’adaptation du constructeur. Plutôt que d’imposer des modèles conçus pour d’autres marchés, Stellantis développe des solutions pensées pour les réalités économiques africaines.
Lors des tables rondes ministérielles de l’IATF, Stellantis a participé activement aux débats sur les obstacles structurels au développement automobile africain. Au premier rang de ces défis : l’harmonisation des politiques industrielles nationales et la construction de chaînes de valeur régionales intégrées.
La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), entrée en vigueur en 2021, constitue à cet égard un outil potentiellement révolutionnaire. En supprimant 90% des droits de douane entre pays africains, elle pourrait permettre l’émergence d’un véritable marché continental de l’automobile. Pour Stellantis, qui produit déjà en Algérie des véhicules destinés à l’export africain, cette perspective ouvre des horizons considérables.
L’expérience algérienne comme modèle
L’implantation algérienne de Stellantis dépasse le cadre d’une simple joint-venture industrielle. Elle constitue un cas d’école de partenariat Nord-Sud réussi. L’usine de Tafraoui, fruit d’un accord avec le groupe algérien Tahkout, a permis de créer plusieurs milliers d’emplois directs et indirects tout en développant un écosystème de sous-traitants locaux.
Cette approche pragmatique a fait ses preuves : en dix ans d’activité, l’usine a produit plus de 500 000 véhicules, principalement des utilitaires Fiat et Iveco, mais aussi des voitures particulières. Une partie de cette production alimente déjà les marchés africains voisins, préfigurant ce que pourrait être une véritable intégration industrielle continentale.

La stratégie africaine de Stellantis ne se limite pas à la production. Le constructeur investit également dans la formation des talents locaux et le développement de technologies durables adaptées aux spécificités climatiques et économiques du continent. Cette approche holistique vise à créer un écosystème industriel pérenne, capable de générer sa propre dynamique d’innovation.
L’objectif affiché est ambitieux : contribuer à faire de l’Afrique un acteur majeur de l’industrie automobile mondiale, et non plus seulement un marché de débouchés. Une ambition qui passe nécessairement par le développement de capacités locales de conception, de production et d’innovation.
En misant sur l’Afrique, Stellantis fait le pari d’un continent en mouvement. Un pari qui, au-delà des considérations commerciales, pourrait bien redéfinir les équilibres géopolitiques de l’industrie automobile mondiale.