Gabon : le PDG à l’épreuve du coup d’État, entre rivalités internes et quête de légitimité


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Le Président du Gabon, Ali Bongo
Le Président du Gabon, Ali Bongo Ondimba

Le Parti démocratique gabonais (PDG), longtemps colonne vertébrale du pouvoir, se trouve aujourd’hui pris dans une tourmente inédite. Privé de son socle institutionnel après le coup d’État de 2023, le parti navigue entre héritage encombrant et ambitions rivales. Deux hommes, porteurs de visions opposées, s’affrontent pour en prendre les rênes : Blaise Louembé, partisan d’un renouveau sans Bongo, et Ali Akbar Onanga Y’Obegue, défenseur de la légitimité historique. Dans un environnement de transition floue, leur duel cristallise les incertitudes sur l’avenir du PDG et du paysage politique gabonais.

Depuis le coup d’État militaire du 30 août 2023 qui a mis fin à 14 années de pouvoir d’Ali Bongo Ondimba, le Gabon vit une transition politique incertaine. Si la scène nationale s’est recomposée, le Parti démocratique gabonais (PDG), longtemps au cœur du pouvoir, tente tant bien que mal de se reconstruire. Et en son sein, une guerre de leadership fait rage, opposant deux figures majeures : Ali Akbar Onanga Y’Obegue et Blaise Louembé.

Fin d’un règne contesté

Ali Bongo Ondimba, fils du défunt Président Omar Bongo, avait accédé à la présidence en 2009. Il hérite alors d’un appareil politique solide : le PDG, pilier du pouvoir depuis des décennies. Mais au fil des années, son autorité s’effrite, notamment après un AVC en 2018 qui fragilise sa présence sur la scène politique. De nombreuses voix critiquent une gouvernance opaque, marquée par les scandales de corruption, les tensions sociales et une centralisation du pouvoir. L’élection présidentielle de 2023 finit par être éclipsée par le coup d’État du 30 août.

Conduit par le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), le putsch est justifié par les militaires comme une réponse à une gouvernance « irresponsable » et à un scrutin truqué. Ali Bongo est mis en résidence surveillée, tandis que des figures proches du pouvoir sont arrêtées ou mises à l’écart. Dans ce contexte troublé, le PDG tente de se maintenir comme force politique. Le 30 janvier 2024, un congrès est organisé par une partie des cadres du parti, désignant Blaise Louembé comme nouveau président du PDG.

Lutte pour le contrôle du PDG

Ancien ministre et proche de la sphère dirigeante, Louembé prend le contrôle des locaux du parti et entame une tournée nationale pour réaffirmer son autorité et préparer les élections législatives et locales prévues le 27 septembre 2025. Mais cette prise de pouvoir est aussitôt contestée par Ali Akbar Onanga Y’Obegue, juriste de formation et fidèle d’Ali Bongo. Il dénonce une manœuvre illégitime et affirme que seul l’ancien président est en droit de désigner la direction du PDG.

La récente prise de position d’Ali Bongo, dans une note officielle, vient renforcer sa posture : l’ex-chef de l’État y rappelle qu’il demeure le président statutaire du parti, n’ayant jamais été officiellement destitué par ses pairs. Cette note constitue une victoire symbolique pour Onanga Y’Obegue. « Je ressens de la satisfaction et une profonde gratitude. Et également un sens aigu des responsabilités qui sont les miennes à cet instant », a-t-il déclaré dans une communication publique. Il se considère désormais comme le seul leader légitime du PDG, parti qu’il veut restructurer pour affronter les prochains scrutins.

Deux visions du parti, deux stratégies

Ali Akbar Onanga Y’Obegue assure aujourd’hui travailler en étroite collaboration avec Ali Bongo pour remettre sur pied le PDG. Il insiste sur la nécessité de respecter la légalité statutaire. « Seul le Président Ali Bongo Ondimba ou les personnes dûment mandatées par lui sont en droit de présenter des candidatures sous le label Parti démocratique gabonais. Toute tentative d’investiture en dehors de ce cadre est purement et simplement illégale, irrecevable et n’engagerait que la responsabilité de ses auteurs », a-t-il averti.

De son côté, Blaise Louembé maintient sa feuille de route. Il continue à sillonner le pays, mobilisant les militants en vue des élections de septembre. Pour lui, la transition doit se traduire par un renouveau du parti, indépendant de l’héritage d’Ali Bongo. Même s’il n’a jamais publiquement reconnu la scission au sein du PDG, sa posture et ses actes montrent qu’il entend bien incarner une nouvelle génération de cadres, déliée des figures historiques.

Un dualité qui sème le trouble dans l’électorat traditionnel du PDG

Longtemps instrument du pouvoir, le PDG est aujourd’hui contraint de se redéfinir dans un environnement politique nouveau, sans les leviers institutionnels de l’État. Le Conseil de la transition n’a, pour l’instant, pas tranché officiellement sur la légitimité d’un camp ou de l’autre. Cette dualité sème le trouble dans l’électorat traditionnel du PDG et affaiblit sa position face à d’autres partis en pleine émergence.

Le coup d’État de 2023 a ouvert un nouveau chapitre de l’histoire politique gabonaise. Si les militaires ont promis un retour à l’ordre constitutionnel et des élections libres, les anciennes structures de pouvoir, comme le PDG, peinent encore à trouver leur place.

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