Fadila Mehal sonne l’alarme


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Quatre mois après les élections législatives au cours desquelles un seul candidat de la diversité a été élu, Fadila Mehal, Présidente-fondatrice de l’association Les Marianne de la diversité, a décidé de soulever à nouveau le problème de la représentation politique en France. Avec le concours de l’association Paroles de femmes et de la Chaîne Parlementaire, elle organise samedi, à l’Assemblée nationale, un colloque consacré au thème «Comment les femmes et la diversité changent la politique ».

Fadila Mehal est la fondatrice et présidente de l’association Les Marianne de la diversité, qui milite notamment pour une plus grande participation des femmes issues de l’immigration, dans la vie politique française. Elle est également membre du Conseil économique et social, directrice pour la culture à l’ACSE, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances. Journaliste de formation, militante politique française d’origine algérienne, Elle était candidate (MODEM) aux dernières élections législatives, dans l9° circonscription de Paris. Elle est l’instigatrice du colloque organisé samedi, à l’Assemblée Nationale, intitulé «Comment les femmes et la diversité changent la politique ». Elle nous a accordé une interview.

Afrik.com : Pourquoi avez-vous décidé d’organiser ce colloque ?

Fadila Mehal :
« Je crois que quatre mois après les législatives, il était important de faire le point. Il nous a paru évident qu’après les promesses électorales des grands partis politiques sur la diversité et la parité, les résultats étaient faibles voire nuls. Sur 577 parlementaires, si l’on ne tient pas compte des élus de l’Outre-mer qui sont représentés depuis très longtemps, il n’y a que George Pau-Langevin qui a été élue, et sa désignation en tant que candidate du Parti socialiste ne s’est pas faite sans difficulté. Donc, il faut sonner l’alarme. Et constater les paradoxes : le gouvernement a fait beaucoup d’efforts en la matière, il a effectué une véritable révolution copernicienne en nommant Rama Yade, Fadéla Amara, et Rachida Dati. Tandis qu’au niveau régional, dans les partis, la modernisation n’a pas eu lieu.

Afrik.com : Vous avez intitulé le colloque que vous organisez : «Comment les femmes et la diversité changent la politique ». Cela veut-il dire que le changement est déjà mesurable ?

Fadila Mehal :
J’aurais peut-être dû mettre ce titre au futur. Le fait d’avoir plus de femmes, plus de personnes issues de la diversité parmi les élus pourrait changer la politique. Vous savez, les femmes qui ont subi des discriminations sont capables de surmonter bien des difficultés. Car elles sont extrêmement combatives et motivées. Quand on a dû faire face à des choses très difficiles, on mesure chaque jour pourquoi on se bat. Il y a chez celles que j’ai rencontrées, une expérience, une volonté exceptionnelles. Elles sont moins dans l’affrontement et le rapport de force que bien des élus. Elles agiraient différemment. Leur apport oxygénerait notre démocratie.

Afrik.com : Depuis sa nomination au poste de ministre de la Justice, la presse française critique sévèrement Rachida Dati. Elle l’accuse justement d’être trop cassante et trop souvent dans un rapport de force avec ses collaborateurs et les magistrats…

Fadila Mehal :
Je trouve que jamais un ministre, en France, n’a été victime d’un tel acharnement de la part des médias. Autant Rachida Dati est chouchoutée par les sondages, autant l’élite la démolit. L’on peut penser ce que l’on veut de son programme, mais les reproches qui lui sont faits touchent à ses origines. On critique ses compétences comme aucun ministre auparavant, alors qu’il y a pourtant eu des ministres qui ne dominaient pas leur sujet. On l’attaque par rapport à sa famille. Mais il n’y aucune honte à trouver dans une même fratrie un polytechnicien et un délinquant, c’est la réalité de l’immigration.

Afrik.com : L’intitulé de l’une de vos tables rondes m’a intrigué. Il s’appelle : « la diversité : l’arbre qui cache la forêt. » Vous pourriez nous l’expliquer ?

Fadila Mehal :
C’est un titre un peu provocateur, en effet. La mise en avant de Rachida Dati, Rama Yade, Fadéla Amara, c’est l’arbre qui se développe. Mais derrière, il y a la forêt qui peine à vivre. Donc je dis aux responsables politiques : ne mettez pas en avant ceux-là pour vous exonérer. Il faut qu’il y ait des ministres issus de la diversité, mais il ne faut pas s’arrêter là. Il y a de très grandes difficultés à faire émerger une élite politique issue de ces populations.

Afrik.com : Pourtant cette revendication est assénée depuis de nombreuses années. Qu’est-ce qui, à votre avis, bloque le changement ?

Fadila Mehal :
Les choses avancent dans le sport, la culture, dans l’entreprise aussi, de plus en plus. Mais le monde politique est un bastion très fermé. C’est une spécificité française. Lorsqu’on compare la longévité des mandats en France avec celle des autres voisins européens, il y a de quoi être stupéfait. Certaines personnes enchaînent jusqu’à onze mandats ! Donc c’est très dur pour quelqu’un qui arrive, qu’il soit issu de la diversité ou pas, de trouver une place. Il y a une véritable aristocratie du pouvoir. Pourtant, le renouvellement politique est indispensable pour que la représentation politique soit à l’image de la France. On ne demande pas des quotas. Mais l’on voudrait qu’il y ait une prise de conscience pour dire que ça ne peut plus continuer. Beaucoup de mains se tendent, mais les responsables politiques ne les saisissent pas. Si rien ne change, les gens s’organiseront autrement. Et il ne faudra pas s’étonner du développement du vote communautariste et d’autres réactions du même type. Je crois en la volonté politique, mais pour le moment, je ne la vois pas.

LE PROGRAMME

le samedi 6 octobre de 9h à 13h30, dans la salle Colbert de l’Assemblée Nationale. 126, rue de l’université. Paris 75007.

Le colloque sera ouvert par Mme Rama YADE, Secrétaire d’Etat des affaires étrangères et aux droits de l’Homme. Mme Blandine KRIEGEL, Présidente du Haut Conseil à l’intégration et M. Stéphane ROZES, Directeur de l’institut CSA et professeur à Sciences Po apporteront leurs regards.
Le thème central est abordé à travers trois tables rondes :

LA PARITE EN POLITIQUE : ENCORE UN EFFORT ! Animé par Richard MICHEL, Directeur général de la chaîne parlementaire avec, Bariza KHIARI, Sénatrice PS de Paris, Corinne LEPAGE, présidente de CAP 21, Françoise MIQUEL, Membre du conseil d’administration de Femmes, débats et société, Nadine MORANO, Député UMP de Meurthe et Moselle et porte parole de l’UMP, Marielle de SARNEZ, Député européenne et vice-présidente du MoDem, Khalida SELLALI, Déléguée régionale des droits des femmes de la région Nord pas de Calais, Christiane TAUBIRA, député PRG de Guyane, Antoinette FOUQUE : Auteure, éditrice, directrice de recherche à Paris VIII

LA DIVERSITE : L’ARBRE QUI CACHE LA FORÊT : Animé par M. Eric GIACOMETTI, Journaliste au Parisien, avec Najet AZMY, Candidate PS de la 10ème circonscription du Nord, Sihem HABCHI, Présidente de ni putes, ni soumises , Vincent GESSEIR, chercheur au CNRS, Salem KACET, Candidat UMP, 8ème circonscription du Nord, Amirouche LAIDI, Président du club Averroes , Georges-Pau LANGEVIN, Député PS de Paris, Bornia TARALL, Candidate MoDem de la 3ème circonscription d’Alsace,

PARITE, DIVERSITE QUELLES PROPOSITIONS POUR MODERNISER NOTRE VIE PUBLIQUE ?
Animé par Fadila MEHAL, Présidente des Marianne de la diversité et Olivia CATTAN Présidente de Paroles de femmes avec François BAYROU, Président UDF-MoDem ou son représentant, Marie-Georges BUFFET, Secrétaire nationale du parti Communiste ou son représentant, Patrick DEVEDJIAN, Secrétaire général de l’UMP ou son représentant, Cécile DUFLOT, Secrétaire nationale des verts ou son représentant, François HOLLANDE, Secrétaire national du PS ou son représentant

Après ces trois tables rondes, M. Jack LANG, Membre du comité de réflexion sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions (sous réserve) et M. Marek HALTER, Ecrivain, présenteront leurs Regards sur la situation.

Mme Fadéla AMARA, Secrétaire d’Etat chargée de la politique à la ville, clôturera ce colloque.

 Le site des Marianne de la diversité

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Journaliste, écrivain, dramaturge scénariste et réalisateur guadeloupéen. Franck SALIN fut plusieurs années le rédacteur en chef d'Afrik.com
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