Eswatini : un Cubain expulsé des États-Unis en grève de la faim pour dénoncer sa détention arbitraire


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Mswati III, roi d'Eswatini
Mswati III, roi d'Eswatini

En Eswatini, Roberto Mosquera del Peral a commencé une grève de la faim pour protester sa détention en Eswatini, pays dans lequel il a été renvoyé par les États-Unis depuis le mois de juillet. Ce cas relance le débat sur les déportations américaines vers des pays tiers africains.

Depuis plus d’une semaine, un ressortissant cubain expulsé par les États-Unis observe une grève de la faim dans une prison de haute sécurité en Eswatini. Son nom : Roberto Mosquera del Peral. Détenu depuis plus de trois mois sans inculpation ni accès à un avocat, il est devenu le symbole d’un programme controversé de déportation américaine vers des pays tiers africains.

Un détenu sans charge, en grève de la faim

Selon son avocate américaine, Alma David, Roberto Mosquera del Peral a été transféré en juillet dernier vers l’Eswatini, petit royaume enclavé d’Afrique australe, dans le cadre d’un accord bilatéral signé avec Washington. Il y est incarcéré au centre correctionnel de Matsapha, près de Mbabane, la capitale administrative. « Mon client est détenu arbitrairement et sa vie est désormais en danger. Il n’a commis aucun crime en Eswatini et n’a même pas été formellement inculpé », a déclaré Me David, appelant à une intervention urgente pour lui fournir des soins médicaux et lui permettre de consulter un avocat local.

Selon plusieurs sources concordantes, Mosquera refuse de s’alimenter depuis le 14 octobre, protestant contre sa détention jugée illégale et les conditions de vie « inhumaines » dans la prison.

Un programme de déportation opaque et contesté

Roberto Mosquera fait partie d’un groupe de cinq hommes expulsés des États-Unis en juillet 2025 – originaires de Cuba, Jamaïque, Laos, Vietnam et Yémen – dans le cadre d’un programme de déportation vers un pays tiers. Ce dispositif, mis en place sous l’administration Trump, permet aux autorités américaines de transférer des migrants ou anciens détenus vers des pays ayant accepté de les accueillir, souvent contre une compensation financière.

L’organisation Human Rights Watch (HRW) a révélé que Washington aurait versé 5,1 millions de dollars à l’Eswatini pour héberger jusqu’à 160 personnes expulsées, et 7,5 millions au Rwanda pour en accueillir 250.
Selon HRW, ces accords sont « secrets, contraires aux normes internationales et exposent les expulsés à des risques de détention arbitraire et de mauvais traitements ».

Des détenus oubliés dans une prison de haute sécurité

Sur les cinq hommes expulsés vers l’Eswatini, seul le ressortissant jamaïcain a été rapatrié en septembre. Les quatre autres, dont Mosquera, restent enfermés à Matsapha.
Des avocats et organisations locales ont saisi la justice pour contester leur détention sans charge et réclamer leur libération. Mais dans ce royaume dirigé par une monarchie absolue, où l’indépendance du pouvoir judiciaire est régulièrement mise en doute, les procédures traînent. « Il n’existe aucune base légale pour leur détention prolongée », dénonce un avocat swazi sous couvert d’anonymat. « Ils ne relèvent pas du droit pénal national et n’ont commis aucune infraction sur le territoire ».

Les autorités américaines justifient ces transferts par la dangerosité des individus concernés, certains ayant été condamnés pour des crimes graves tels que meurtre ou viol.
Mais les défenseurs de Roberto Mosquera contestent cette version : « Ils ont déjà purgé leur peine aux États-Unis. Les garder enfermés ailleurs, sans procès, revient à une double peine », insiste Alma David.

Appels à la transparence et au respect des droits humains

Les critiques se multiplient contre l’opacité de ces accords bilatéraux entre Washington et certains États africains. « Le fait que mon client ait été poussé à une telle extrémité prouve l’urgence de la situation », déplore Alma David. « Les gouvernements des États-Unis et d’Eswatini doivent assumer les conséquences humaines de leurs arrangements secrets ».

Human Rights Watch, Amnesty International et plusieurs ONG locales exigent la publication des accords de déportation, la libération immédiate des détenus non inculpés et une enquête internationale indépendante sur leurs conditions de détention.

L’affaire Mosquera pourrait devenir un test diplomatique pour Washington et Mbabane. D’un côté, les États-Unis cherchent à justifier une politique migratoire sévère sous couvert de sécurité ; de l’autre, le royaume d’Eswatini, souvent critiqué pour son autoritarisme, se retrouve exposé à la lumière d’un scandale à dimension internationale. Pour le moment, dans sa cellule du centre de Matsapha, Roberto Mosquera poursuit sa grève de la faim. Son état de santé se dégrade, tandis que le silence des autorités ne fait qu’alimenter les soupçons sur la nature réelle de ce programme de déportation.

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Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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