
Un des cinq migrants refoulés il y a quelques semaines des Etats-Unis vers l’Eswatini a finalement regagné sa patrie, la Jamaïque en toute discrétion.
L’histoire d’Orville Isaac Etoria illustre les zones grises, les polémiques et les incohérences entourant la nouvelle politique migratoire des États-Unis. Expulsé en juillet vers l’Eswatini dans le cadre d’un accord conclu entre Washington et Mbabane, ce ressortissant jamaïcain a finalement été rapatrié le week-end dernier vers son pays d’origine.
De Washington à Mbabane, puis retour à Kingston
Arrêté aux États-Unis comme « migrant illégal », Orville Isaac Etoria a été transféré le 7 juillet 2025 vers l’Eswatini, petit royaume enclavé d’Afrique australe anciennement Swaziland. Il faisait partie d’un groupe de cinq étrangers expulsés par Washington – originaires du Vietnam, du Laos, du Yémen, de Cuba et de la Jamaïque – que l’administration Trump avait qualifiés de « barbares ».
Dès leur arrivée, les cinq hommes avaient été placés dans une prison de haute sécurité de Mbabane. Mais deux mois plus tard, Etoria a obtenu son renvoi en Jamaïque. Selon les autorités locales, « un arrangement a été négocié » pour permettre son départ, à sa propre demande. Le voyage a été facilité par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), mais les détails financiers et logistiques n’ont pas été révélés.
Les accords entre Washington et Mbabane dans le viseur
L’affaire met en lumière les accords passés entre les États-Unis et plusieurs pays tiers pour accueillir des migrants expulsés. Dans le cas de l’Eswatini, Human Rights Watch affirme que le royaume s’est engagé à recevoir jusqu’à 160 migrants en échange d’une enveloppe de 5,1 millions de dollars destinée à renforcer la sécurité de ses frontières.
Ces arrangements, conclus sous le sceau de la confidentialité, sont vivement critiqués. Des ONG locales ont saisi la justice, estimant qu’ils violent la Constitution car ils n’ont pas été soumis au Parlement. « Nous assistons à une externalisation brutale et opaque de la gestion migratoire américaine », dénoncent plusieurs associations de défense des droits humains.
Un symbole des tensions migratoires sous Trump
Le cas d’Etoria, contraint à un double exil avant de retrouver sa terre natale, illustre les dérives possibles de ce système de « déportations externalisées ». Pour Washington, il s’agit d’alléger la pression migratoire sur le sol américain. Pour l’Eswatini, l’accord représente une manne financière. Mais pour les personnes concernées, l’expérience se traduit par une incarcération forcée dans un pays étranger, puis par une incertitude totale quant à leur avenir.
La controverse autour de ces expulsions pourrait encore s’amplifier à mesure que d’autres migrants, venus d’Asie, du Moyen-Orient ou des Caraïbes, seront acheminés vers Mbabane. Le retour discret d’Orville Isaac Etoria en Jamaïque n’est peut-être que le premier signe d’un système déjà fragilisé par ses contradictions.