
La découverte de douze corps de migrants dans le nord-est du Maroc, à proximité immédiate de la frontière avec l’Algérie, remet brutalement sur la table des débats les dangers extrêmes auxquels sont confrontées les personnes en migration sur les routes nord-africaines. Entre le 6 et le 12 décembre, plusieurs ressortissants d’Afrique subsaharienne ont perdu la vie dans la province de Jerada, une région connue pour ses conditions climatiques rigoureuses et son relief hostile.
Selon l’Association d’aide aux migrants en situation vulnérable (AMSV), basée à Oujda, six dépouilles ont été localisées lors d’une première intervention début décembre, avant que six autres ne soient retrouvées quelques jours plus tard. Les autorités sanitaires locales ont indiqué que la majorité des décès seraient dus à l’hypothermie, aggravée par la faim et l’épuisement. En hiver, les températures dans cette zone frontalière peuvent chuter bien en dessous de zéro, alors même que de nombreux migrants ne disposent que de vêtements légers, inadaptés à ces conditions.
Obstacle conçu pour dissuader les passages
Les victimes identifiées comprennent des hommes et des femmes originaires notamment de Guinée, du Nigeria et du Cameroun, pour la plupart très jeunes. Certains tentaient vraisemblablement de rejoindre d’autres pays d’Afrique du Nord, tandis que d’autres auraient franchi récemment la frontière algérienne pour entrer au Maroc, souvent après un long périple entamé plusieurs mois, voire plusieurs années auparavant.
Au-delà du froid et de la faim, le terrain lui-même constitue un danger mortel. À la frontière, un profond fossé creusé côté algérien, jouxtant un haut grillage côté marocain, est régulièrement pointé du doigt par les acteurs associatifs. En période de pluie, ce fossé se remplit d’eau et de boue, devenant un piège invisible, notamment la nuit. Plusieurs migrants y seraient tombés accidentellement, incapables de remonter en raison de la profondeur et de la vase. Les militants locaux le décrivent comme un obstacle conçu pour dissuader les passages, mais dont le coût humain est considérable.
Le Maroc régulièrement confronté à des drames similaires
Cette tragédie n’est malheureusement pas un cas isolé. Depuis 2017, plus de soixante-dix décès ont été recensés dans cette seule zone frontalière, selon les données de l’AMSV. D’autres migrants originaires du Tchad, du Soudan ou encore du Mali figurent parmi les victimes des années précédentes. Les associations alertent régulièrement les autorités marocaines et algériennes sur la nécessité de sécuriser ces zones ou de mettre en place des mécanismes de secours, sans succès notable jusqu’à présent.
Plus largement, le Maroc est régulièrement confronté à des drames similaires liés aux migrations. En 2022, plusieurs migrants avaient perdu la vie en tentant de rejoindre l’enclave espagnole de Melilla, lors d’un mouvement de foule massif à la frontière. Des décès sont également signalés chaque année dans les forêts entourant les villes de Nador, Tanger ou Oujda, où des centaines de migrants vivent dans des campements précaires, exposés au froid, aux maladies et aux violences.
Méditerranée, l’une des traversées les plus dangereuses au monde
Ailleurs en Afrique, les routes migratoires sont tout aussi meurtrières. Dans le désert du Sahara, entre le Niger, la Libye et l’Algérie, des milliers de migrants périssent chaque année de déshydratation après avoir été abandonnés par des passeurs ou refoulés aux frontières. En Libye, les centres de détention informels sont régulièrement dénoncés pour leurs conditions inhumaines, tandis que la traversée de la Méditerranée reste l’une des plus dangereuses au monde. Selon les organisations internationales, des centaines de personnes continuent de se noyer chaque année en tentant de rejoindre l’Europe.
Face à cette situation, les associations de défense des droits humains réclament un meilleur accès à l’assistance médicale, des mécanismes d’alerte en cas de conditions climatiques extrêmes, ainsi qu’une coopération renforcée entre les pays concernés.




