Maroc : disparition en mer de 44 migrants partis de Dakhla, l’inquiétude grandit face au silence des autorités


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Des migrants africains
Des migrants africains

Quarante-quatre personnes, dont des femmes et des enfants, sont portées disparues depuis près d’un mois. Ils avaient quitté la côte sud du Maroc dans l’espoir de rejoindre les îles Canaries. Les familles, désespérées, interpellent les autorités marocaines et espagnoles. Elles appellent à lancer une opération de recherche urgente.

Une pirogue transportant 44 passagers a quitté la plage de Wadi Lakraa, près de Dakhla, dans la nuit du 24 septembre 2025. Selon plusieurs associations marocaines de défense des migrants, l’embarcation était à destination des Canaries. Parmi eux se trouvaient 27 Marocains, dont trois femmes et deux enfants. En outre, 17 ressortissants d’Afrique subsaharienne faisaient partie du trajet. Depuis ce départ, plus aucun signe de vie.

Les familles, originaires principalement de Casablanca et de Midelt, ont multiplié les appels et les messages sans jamais obtenir de réponse. Face au silence, deux associations ont publié un communiqué conjoint le 20 octobre. Il s’agit de l’Association marocaine d’aide aux migrants en situation difficile (Oujda) et l’Organisation marocaine pour la migration et le soutien aux migrants (Agadir). Elles réclament une mobilisation immédiate des autorités marocaines.

Des appels pressants aux autorités marocaines et espagnoles

Dans leur communiqué, les deux organisations humanitaires appellent à coordonner des recherches dans la zone. Elles interpellent la Marine royale marocaine, la diplomatie espagnole et les services de secours en mer. En plus de solliciter l’intervention du Conseil national des droits de l’homme (CNDH), du Croissant-Rouge marocain et de la Croix-Rouge internationale afin de localiser d’éventuels survivants.

« Chaque heure compte », rappelle un responsable associatif à Oujda. « Ces migrants sont partis avec très peu de provisions, sur une embarcation de fortune. Sans intervention rapide, les chances de survie s’amenuisent dramatiquement ». Quelques jours plus tôt, un autre bateau transportant 51 personnes avait dérivé pendant huit jours avant d’être secouru au large de Tan-Tan, plus au nord.

La route des Canaries, un couloir mortel vers l’Europe

Les survivants, épuisés, ont été pris en charge par la Gendarmerie royale. Une victime décédée a été recensée parmi eux, probablement un migrant d’origine subsaharienne. Ces drames successifs rappellent la dangerosité croissante de la route atlantique vers les Canaries. Un couloir migratoire qui ne cesse de se renforcer depuis la fermeture progressive des routes méditerranéennes.

Longue de plus de 1 500 kilomètres selon le point de départ, la traversée entre les côtes marocaines et les Canaries est aujourd’hui considérée comme l’une des plus périlleuses au monde. Les migrants affrontent des vents violents, des courants puissants et des pannes de moteur fréquentes. Beaucoup meurent de soif ou d’épuisement, perdus dans l’immensité de l’océan Atlantique.

Intermédiaires liés à des réseaux de traite d’êtres humains

Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 2 000 personnes ont disparu sur cette route depuis 2020. Malgré ces chiffres tragiques, les départs continuent, alimentés par la pauvreté, le chômage et les réseaux de passeurs. Les associations tirent également la sonnette d’alarme sur l’influence croissante des réseaux sociaux, notamment TikTok, Instagram et Facebook, dans la propagation de contenus incitant à l’immigration clandestine.

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De fausses vidéos promettent une traversée rapide et sûre vers l’Espagne, avec des images enjolivées de migrants arrivés « sans encombre » aux Canaries ou à Ceuta. En 2024 déjà, le gouvernement marocain avait mis en garde contre ces pratiques. Un jeune homme avait été arrêté à Tétouan pour avoir appelé sur TikTok les jeunes Marocains à franchir la frontière vers Ceuta. Ces contenus trompeurs contribuent à alimenter le flux des départs, notamment depuis le sud du pays. Ils sont souvent produits par des intermédiaires liés à des réseaux de traite d’êtres humains.

Les familles entre espoir et colère

Depuis la reprise du dialogue diplomatique avec l’Espagne en 2022, le Maroc affirme renforcer sa lutte contre l’immigration irrégulière. Le ministère de l’Intérieur rapporte avoir empêché près de 80 000 tentatives de migration illégale vers l’Europe en 2024. Mais les ONG dénoncent un déséquilibre entre la répression et la prévention. Elles réclament davantage d’efforts pour informer les jeunes sur les dangers de la traversée et offrir des alternatives économiques dans les régions d’où partent la majorité des migrants.

À Dakhla, Casablanca ou Midelt, les familles des disparus vivent dans l’angoisse. Certaines ont organisé des veillées en hommage à leurs proches, d’autres continuent d’appeler chaque jour les numéros de téléphone restés muets depuis un mois. « Nous voulons savoir s’ils sont vivants ou morts », confie la sœur d’un disparu. « Le silence des autorités est insupportable ». Pour l’heure, aucune opération de recherche officielle n’a été annoncée. En attendant, la mer garde son secret, et les familles s’accrochent à un mince espoir de revoir leurs proches un jour.

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Je suis passionné de l’actualité autour des pays d’Afrique du Nord ainsi que leurs relations avec des États de l’Union Européenne.
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