
Une vive confrontation diplomatique s’est déroulée vendredi au Conseil de sécurité des Nations unies, où le Burundi a accusé officiellement le Rwanda d’une attitude « belliqueuse » et de menacer la sécurité régionale, en lien avec l’offensive du groupe rebelle AFC/M23 en RDC. Kigali a opposé un déni catégorique, rejetant toute accusation de soutien aux rebelles et renversant la critique contre Kinshasa.
L’affrontement verbal au Conseil de sécurité de l’ONU entre le Burundi et le Rwanda démontre que le conflit à l’est de la RDC est en train de prendre une dimension internationale.. On assiste à l’escalade politique et militaire dans la région des Grands Lacs, déjà fragilisée par la reprise des hostilités et la prise d’Uvira par les forces de l’AFC/M23.
Accusations du Burundi : danger pour la sécurité régionale
Le représentant permanent du Burundi auprès de l’ONU, Zéphyrin Maniratanga, a déclaré que le Rwanda a manifesté une « attitude belliqueuse », notamment à travers la prise de la ville stratégique d’Uvira, dans la province du Sud-Kivu, par la rébellion de l’AFC/M23, un mouvement que Bujumbura accuse de recevoir un soutien actif de Kigali. Selon lui, cette offensive n’est pas seulement une violation du cessez-le-feu, mais un acte qui menace directement la stabilité du Burundi et l’ensemble de la région.
Dans son intervention, Zéphyrin Maniratanga a rappelé un incident survenu le 4 décembre : des bombes larguées depuis le territoire rwandais auraient atteint la commune burundaise de Tchibitoke, blessant une femme et un enfant, ce qu’il a qualifié de provocation sévère. Le diplomate a averti que le Burundi se réserve le droit de faire usage de la légitime défense, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations unies, si de telles violations se répètent.
Le diplomate burundais a également alerté sur les conséquences humanitaires de l’offensive au Sud-Kivu, avec des milliers de civils fuyant les combats vers le Burundi, une pression supplémentaire sur un pays déjà fragile économiquement et politiquement.
Réaction du Rwanda : déni des accusations et contre-accusations
En réponse, le représentant permanent du Rwanda à l’ONU, Martin Ngoga, a rejeté « en bloc » les accusations formulées par Bujumbura, affirmant que le Rwanda n’est pas en guerre avec le Burundi et ne peut pas agresser ses voisins. Kigali nie catégoriquement soutenir militairement l’AFC/M23.
Plutôt que de répondre point par point aux accusations burundaises, Martin Ngoga a dirigé ses critiques vers la RDC, accusée selon lui de violer le cessez-le-feu en soutenant le groupe armé Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), une milice qu’il présente comme une menace persistante pour la sécurité de Kigali. Il a appelé toutes les parties à respecter les accords de paix signés, soulignant l’engagement du Rwanda envers ses obligations internationales.
Le représentant rwandais a également insisté sur le fait que les tensions actuelles ne sont pas une guerre entre Rwanda et Burundi mais plutôt l’expression de désaccords politiques et militaires complexes, liés à l’ensemble de la crise dans l’est du Congo.i
Le contexte plus large : l’offensive de l’AFC/M23 et le fragile processus de paix
Les accusations burundaises et rwandaises s’inscrivent dans un contexte de recrudescence des hostilités au Sud-Kivu, où le groupe rebelle AFC/M23 a récemment pris la ville d’Uvira, un nœud stratégique commercial et point d’accès vers le Burundi et la Tanzanie. Cette offensive est largement interprétée par Kinshasa, des experts onusiens et plusieurs capitales occidentales comme étant appuyée militairement par le Rwanda, même si Kigali continue de nier toute implication directe.
La prise d’Uvira a détérioré un processus de paix déjà fragile, malgré des accords signés récemment à Doha et Washington pour tenter d’assurer un cessez-le-feu durable entre la RDC et le Rwanda. Des voix internationales, notamment à l’ONU et parmi les puissances occidentales, s’inquiètent d’une « régionalisation » du conflit, avec un embrasement possible si les tensions entre pays voisins ne sont pas contenues.
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Réactions internationales et enjeux humanitaires
Au Conseil de sécurité, représentant plusieurs gouvernements, des voix ont appelé au renforcement de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), réclamant plus de ressources pour protéger les civils et stabiliser la zone frontalière. La communauté internationale s’alarme de l’augmentation des déplacés et des risques d’une crise humanitaire élargie, avec des milliers de réfugiés burundais et congolais cherchant protection.
Parallèlement, certains pays comme les États-Unis ont publiquement critiqué Kigali pour ce qu’ils considèrent comme un désengagement des engagements de paix et une source d’instabilité régionale, particulièrement après la prise d’Uvira par les rebelles. L’échange diplomatique houleux entre le Burundi et le Rwanda lors de cette session à l’ONU reflète une crise plus profonde : un conflit qui dépasse les frontières congolaises et implique désormais les États voisins dans une atmosphère de méfiance et d’accusations croissantes. Alors que Bujumbura met en garde contre une possible confrontation militaire directe, Kigali maintient qu’il n’a aucune intention de guerre avec le Burundi et appelle au respect des processus politiques. La capacité de la communauté internationale à renforcer la médiation, renforcer MONUSCO et encourager un dialogue inclusif entre Kinshasa, Kigali et Bujumbura sera un facteur clé pour éviter une escalade régionale majeure dans les semaines à venir.



