Enfidha : comment une petite ville tunisienne devient le nouveau joyau du tourisme méditerranéen


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Aéroport Enfidha
Aéroport Enfidha

Ce qui n’était qu’une modeste porte d’entrée aérienne en 2009 s’est mué en véritable fer de lance du tourisme tunisien. Enfidha orchestre aujourd’hui une transformation spectaculaire, tissant autour de ses infrastructures modernisées un écosystème au centre de l’ambition touristique renouvellée de la Tunisie. Entre liaisons européennes renforcées et projets d’envergure, cette petite commune du Sahel redéfinit son territoire pour conquérir une clientèle internationale avide de destinations authentiques à prix doux.

Lorsque l’aéroport international d’Enfidha-Hammamet ouvre ses portes en 2009, sa mission paraît claire : absorber les flux charter des côtes de Sousse et d’Hammamet. Quinze ans plus tard, 1,29 million de passagers transitent par ses pistes en 2024, sous l’œil vigilant de la plus haute tour de contrôle d’Afrique.

Cette infrastructure tire sa force de sa position géographique privilégiée. Plantée au cœur d’un bassin qui concentre 80 % des stations balnéaires tunisiennes, elle offre un accès direct aux joyaux touristiques du pays. Un positionnement stratégique qui n’a pas échappé aux tour-opérateurs européens.

L’offensive britannique et nord-européenne

L’année 2024 sonne comme une renaissance. En mai, easyJet inaugure sa liaison bi-hebdomadaire Glasgow-Enfidha, marquant le retour en grâce de la Tunisie auprès des Britanniques. Cette percée se consolide avec l’accord signé entre TUI et TAV Tunisie, qui étoffera l’offre depuis Londres-Stansted et l’Irlande.

Ces nouvelles fréquences viennent enrichir un réseau déjà dense depuis l’Allemagne, la Pologne et les pays baltes, positionnant Enfidha comme une alternative séduisante pour les vacanciers qui reviennent en masse en Tunisie.

TAV Tunisie ne s’endort pas sur ses acquis. Huit millions de dinars seront investis en 2025 pour repenser entièrement les jetées, les contrôles frontaliers et les espaces de restauration. L’enjeu ? Fluidifier les pics estivaux et décrocher le prestigieux label de « hub régional ».

Un écosystème qui dépasse les plages

La station intégrée d’Hergla incarne cette vision élargie : 450 hectares dédiés à l’hôtellerie haut de gamme, agrémentés d’une marina privée et d’un golf face à la Méditerranée. Le permis d’aménager en poche, les travaux préparatoires ont déjà commencé. Mais c’est le mégaprojet Tunisia Economic City qui cristallise les ambitions les plus folles : 1 800 hectares où culture, santé et divertissement se mêleront, stratégiquement adossés à l’autoroute A1 et au littoral. Les premiers appels d’offres logistiques, lancés en 2025, annoncent le début de cette mutation urbaine.

Le port en eaux profondes, relancé en 2024, complète ce triptyque infrastructure. Dimensionné pour traiter 4,8 millions de conteneurs, il ouvrira également ses quais aux navires de croisière, créant une continuité logistique mer-air-rail unique en Tunisie.

En moins d’une demi-heure, les voyageurs peuvent basculer du tarmac high-tech de l’aéroport NBE à la médina millénaire de Sousse, joyau inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Cette proximité géographique révèle des trésors insoupçonnés : les plages sauvages d’Hergla, bordées de pins d’Alep, le village berbère perché de Takrouna qui offre un panorama à 360 degrés sur la côte, ou encore le Friguia Park, premier parc animalier du Maghreb.

L’enrichissement constant de l’offre nautique, avec l’essor du kitesurf et de la plongée sur les récifs de Madfoun, témoigne de cette volonté de proposer un tourisme plus diversifié que le traditionnel « tout-inclus ». Car l’essor d’Enfidha repose encore largement sur des forfaits all-inclusive à bas coût. Conscient de cette fragilité, le ministère du Tourisme a défini trois axes stratégiques pour pérenniser cette croissance.

  • La transition écologique figure en tête des priorités. Une station photovoltaïque de 30 hectares alimentera bientôt l’aéroport et les complexes hôteliers environnants. Parallèlement, un programme pilote de dessalement vise à sécuriser l’approvisionnement en eau durant les pics estivaux.
  • L’élargissement de la saison touristique constitue le deuxième défi majeur. La stratégie s’appuie sur l’organisation de festivals culturels printaniers, le développement de circuits œnotouristiques dans l’arrière-pays de Zaghouan, et l’essor du tourisme religieux avec des vols Omra déjà opérés depuis Enfidha.
  • Enfin, l’implication des populations locales s’articule autour de programmes de micro-crédits pour l’artisanat et l’agritourisme, garantissant que la valeur ajoutée irrigue véritablement la région et favorise un développement touristique inclusif.

Stratégiquement positionnée à mi-chemin entre Tunis et Sousse, Enfidha pourrait devenir d’ici 2030 le nouveau poumon touristique et logistique du Sahel tunisien. Le défi majeur demeure néanmoins de trouver l’équilibre délicat entre quantité et qualité, pour transformer ce succès quantitatif en modèle de développement exemplaire et durable.

Zainab Musa
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Zainab Musa est une journaliste collaborant avec afrik.com, spécialisée dans l'actualité politique, économique et sociale du Maghreb et de l'Afrique de l'Ouest. À travers ses enquêtes approfondies et ses analyses percutantes, elle met en lumière des sujets sensibles tels que la corruption, les tensions géopolitiques, les enjeux environnementaux et les défis de la transition énergétique. Ses articles traitent également des évolutions sociétales et culturelles, notamment à travers des reportages sur les figures influentes du Maroc et de l’Algérie. Son approche rigoureuse et son regard critique font d’elle une voix incontournable du journalisme africain francophone.
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