
La compétition entre grandes puissances, impose aux pays du Maghreb, notamment certains d’Afrique du Nord comme le Maroc et la Tunisie, d’amorcer une phase de modernisation et de renforcement de leurs forces armées. Cette tendance répond à des exigences sécuritaires régionaux, mais aussi à une volonté de s’affirmer et garantir la souveraineté nationale.
Face à la compétition entre grandes puissances, les pays du Maghreb accélèrent la modernisation de leurs forces armées. Le Maroc se distingue par une diversification de ses fournisseurs et des acquisitions stratégiques, avec une montée en puissance technologique. La Tunisie, plus modeste, mise sur l’aide occidentale pour renforcer sa sécurité intérieure. En Libye, la militarisation reste fragmentée et alimentée par des acteurs extérieurs. Ces dynamiques révèlent une redéfinition des politiques de défense en Afrique du Nord.
Maroc : diversification des fournisseurs et montée en puissance technologique
Le Maroc a connu, ces dernières années, une montée en puissance significative de ses capacités militaires. À la croisée de plusieurs tensions régionales, notamment autour de la question du Sahara Occidental, le Royaume adopte une posture anticipative. L’une des acquisitions les plus importantes est celle du C-390 Millennium brésilien, un avion de transport militaire polyvalent conçu par Embraer. Ce choix résulte d’une série d’évaluations techniques et industrielles conduites dès janvier 2024, notamment au Portugal, où le Maroc a étudié les chaînes de montage de son partenaire OGMA. En mars de la même année, un test grandeur nature a été mené à Rabat. Cette acquisition est la preuve de l’ambition marocaine de renforcer ses capacités logistiques et de mobilité rapide.
Au-delà du C-390, le Maroc s’est également distingué par l’achat de systèmes sophistiqués : des drones israéliens Harop et Heron, des missiles américains HIMARS, ainsi que des véhicules blindés turcs et des frégates françaises. Ces efforts prouvent la volonté de modernisation des trois composantes de l’armée : terrestre, navale et aérienne. La coopération militaire du Maroc s’étend désormais à des partenaires non occidentaux, notamment Israël et la Turquie. Ce qui traduit une évolution profonde. En 2020, la normalisation diplomatique avec Israël dans le cadre des Accords d’Abraham a ouvert la voie à des transferts de technologies militaires avancées, renforçant encore l’arsenal marocain.
La Tunisie entre modernisation modeste et dépendance
La Tunisie, quant à elle, affiche un profil plus modeste en matière de dépenses militaires, du fait d’importantes contraintes économiques. Toutefois, l’instabilité régionale, notamment en Libye et à ses frontières sahéliennes, oblige Tunis à repenser partiellement ses capacités de défense. La majorité de l’équipement militaire tunisien est d’origine américaine. La Tunisie a bénéficié de plusieurs aides militaires via le programme Foreign Military Financing (FMF) et a récemment reçu des véhicules blindés Mrap, des radars de surveillance, et des équipements de cybersécurité.
L’armée de l’air tunisienne, bien que vieillissante, a été partiellement modernisée avec des hélicoptères UH-60 Black Hawk. La priorité pour la Tunisie reste avant tout la sécurité intérieure, la lutte contre le terrorisme dans les zones frontalières (notamment au mont Chaambi), et la surveillance côtière. La modernisation des forces navales s’opère via l’acquisition de patrouilleurs rapides et d’équipements de surveillance maritime, souvent cofinancés par l’Union européenne dans le cadre de la gestion des migrations.
Libye : un territoire encore fragmenté mais militarisé
En Libye, le paysage militaire est plus chaotique du fait de la division du pays entre plusieurs forces rivales depuis 2011. Malgré cela, des acteurs étrangers (Turquie, Russie, Émirats arabes unis) continuent à approvisionner les différentes factions en matériel militaire. La Turquie, par exemple, a fourni à Tripoli des drones Bayraktar TB2 et des systèmes de défense anti-aérienne, tandis que l’Est du pays a bénéficié du soutien militaire russe via le groupe Wagner, qui a déployé des équipements lourds et des conseillers militaires. L’absence d’un commandement unifié rend difficile l’émergence d’une doctrine de défense nationale claire.
Cependant, le territoire reste extrêmement militarisé, ce qui pose des risques de reprise des hostilités à tout moment. Les tendances observées dans les pays d’Afrique du Nord révèlent une profonde transformation des doctrines de défense. Le Maghreb tend de plus en plus à intégrer des logiques de coproduction, de transfert de technologie et de diversification des partenariats. Le Maroc, par exemple, envisage de développer un complexe industriel de défense.