Crise politique en RDC : dissolution du PPRD, retour de Kabila et tensions croissantes


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Joseph Kabila et Félix Tshisekedi
Joseph Kabila et Félix Tshisekedi

La République Démocratique du Congo traverse une période politique particulièrement tendue. Le ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, a confirmé la saisie de la justice pour demander la dissolution de quatre partis politiques, dont le Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), dirigé par l’ancien président Joseph Kabila. Cette annonce marque une nouvelle étape dans l’affrontement entre le pouvoir actuel et l’ancien régime.

Le PPRD avait été suspendu le 19 avril 2025, après l’annonce du retour de Joseph Kabila à Goma, ville sous contrôle du groupe rebelle M23/AFC, soutenu par le Rwanda selon Kinshasa. Les autorités accusent Kabila d’entretenir des liens indirects avec ces groupes armés. Trois autres partis sont également visés par la demande de dissolution : l’ADCP de Corneille Nangaa (désormais chef politique de l’AFC/M23), le CRP de Thomas Lubanga (qui a récemment annoncé une nouvelle rébellion en Ituri), et le MLP de Franck Diongo, actuellement en exil en Belgique.

Le ministre Shabani a déclaré que ces partis sont dirigés par des responsables qui ont « franchi la ligne rouge » en collaborant avec des groupes armés, ce qui justifie, selon lui, leur dissolution. Il invite les partis à se désolidariser de ces figures sinon, prévient-il, la loi autorise leur neutralisation.

Le PPRD contre-attaque et dénonce un acharnement politique

Face à cette décision, le PPRD rejette catégoriquement la légitimité de la suspension. Ferdinand Kambere, secrétaire permanent adjoint du parti, conteste la procédure, soulignant que seul le parquet, et non le ministre, peut engager une démarche de dissolution. Il dénonce également l’occupation du siège du parti par la police sans décision judiciaire, y voyant une manœuvre destinée à museler l’opposition kabiliste. Le 6 mai, dix-huit jours après sa suspension, le PPRD a annoncé la reprise de ses activités sur toute l’étendue du territoire.

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La formation invoquant l’article 29 de la loi sur les partis politiques, qui limite à 15 jours la durée d’une suspension administrative sans décision judiciaire. Le parti estime donc que la suspension est caduque et accuse le gouvernement d’instrumentaliser la justice. Cette reprise place le gouvernement dans une situation délicate. Il peut laisser faire et apparaître comme faible, ou réagir par une escalade judiciaire ou sécuritaire, au risque d’attiser les tensions politiques. Le PPRD affirme rester attaché à la Constitution et rejette toute qualification de mouvement insurrectionnel.

Perquisitions, accusations et retour de Kabila : une situation explosive

Dans ce contexte, une perquisition d’envergure a été menée à Kinshasa, dans une concession appartenant à Joseph Kabila. Cette opération, conduite par les services de renseignements militaires et civils, visait la recherche de matériel militaire potentiellement lié à des groupes armés. Bien que le site ne soit pas une résidence privée, la perquisition a été initialement menée sans mandat officiel, suscitant des interrogations sur sa légalité. Cette opération intervient alors que les relations entre Kabila et le Président actuel Félix Tshisekedi se sont sérieusement détériorées.

En février, Tshisekedi a accusé publiquement son prédécesseur d’être le véritable instigateur du M23, groupe rebelle soutenu par le Rwanda qui continue d’occuper des territoires dans le Nord-Kivu. Ces accusations marquent une rupture définitive entre les anciens partenaires de la coalition FCC-CACH. La situation est encore exacerbée par le retour annoncé de Kabila sur le sol congolais. Depuis sa mise en retrait en 2019, l’ancien président s’était fait discret. Son retour est perçu par les proches du pouvoir comme une tentative de repositionnement politique, voire comme une ambition présidentielle déguisée.

Vers une poursuite judiciaire de Kabila ?

Parallèlement, une procédure judiciaire exceptionnelle est en cours. L’auditeur général des FARDC a officiellement demandé au Sénat de lever l’immunité parlementaire de Joseph Kabila, sénateur à vie. Le président du Sénat, Sama Lukonde, a confirmé que cette demande sera examinée conformément à la Constitution. Le réquisitoire accuse Kabila de trahison, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, en lien avec les exactions commises dans l’Est du pays.

Le ministre de la Justice, Constant Mutamba, affirme détenir des preuves solides de l’implication de l’ancien président dans l’agression rwandaise via le M23. La procédure, inédite en RDC, pourrait faire de Kabila le premier ancien chef d’État poursuivi pénalement pour des faits liés à son mandat. Ce développement historique soulève des questions fondamentales sur la capacité de la justice congolaise à agir de manière indépendante dans un climat hautement politisé.

Un tournant dans la vie politique congolaise ?

Les mesures répressives contre Kabila et son entourage – perquisitions, saisies de biens, restrictions de mouvement – s’accompagnent d’une stratégie politique visant à affaiblir durablement l’opposition. Des ONG dénoncent une instrumentalisation de la justice à des fins politiques, tandis que certains observateurs évoquent un retour à une logique d’exclusion, contraire aux principes démocratiques.

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