RDC : Sama Lukonde promet une procédure constitutionnelle dans l’affaire visant Joseph Kabila


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Joseph Kabila

En RDC, le président du Sénat, Sama Lukonde, s’est prononcé, ce vendredi, sur la requête de l’auditeur général des FARDC demandant la levée de l’immunité parlementaire du sénateur à vie, Joseph Kabila. Sama Lukonde a donné des assurances quant au respect des dispositions constitutionnelles dans la procédure.

La tension politique continue de monter en République démocratique du Congo (RDC) après l’annonce officielle du président du Sénat, Sama Lukonde, selon laquelle la demande de levée de l’immunité parlementaire de l’ancien président, Joseph Kabila, sera examinée « conformément à la Constitution et au règlement intérieur du Sénat ». Cette déclaration intervient dans un climat déjà lourd, alors que l’ancien chef de l’État est désormais formellement visé par un réquisitoire de l’auditeur général des Forces armées.

Des accusations d’une gravité exceptionnelle

Le réquisitoire, transmis au Sénat sur injonction du ministre de la Justice Constant Mutamba, accuse Joseph Kabila de trahison, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Des charges lourdes, qui s’inscrivent dans le contexte dramatique des violences persistantes dans l’est de la RDC, où les populations civiles paient un tribut élevé aux affrontements entre les Forces armées congolaises (FARDC) et la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda selon Kinshasa.

Le ministre Mutamba a affirmé disposer d’un « maximum de preuves » attestant de l’implication de l’ancien Président dans ce que les autorités qualifient de « participation directe à l’agression rwandaise contre le Congo ». Le mouvement M23 est accusé par le gouvernement congolais d’être un instrument de déstabilisation au service de Kigali.

Une procédure exceptionnelle, encadrée par la loi

Joseph Kabila bénéficie du statut de sénateur à vie, un privilège constitutionnel accordé aux anciens chefs d’État élus. À ce titre, il jouit d’une immunité parlementaire qui ne peut être levée qu’avec l’accord exprès de la Chambre haute du Parlement. La démarche entreprise par le ministère de la Justice représente donc une première historique dans le pays, où jamais un ancien Président n’a été poursuivi pénalement pour des actes posés pendant ou après son mandat.

Le président du Sénat a rappelé que toute procédure sera conduite « dans le respect strict de la loi », un message destiné à rassurer aussi bien les parlementaires que l’opinion nationale et internationale, alors que l’ombre d’une instrumentalisation politique plane sur cette affaire. L’article 107 de la Constitution congolaise stipule qu’un sénateur ne peut être poursuivi qu’avec l’autorisation du bureau de la Chambre dont il est membre, sauf en cas de flagrant délit.

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Pressions et contre-attaques

En parallèle à la procédure judiciaire, les autorités congolaises ont adopté une série de mesures coercitives contre Joseph Kabila et son entourage. Le 18 avril dernier, le ministre Mutamba a ordonné la saisie des biens mobiliers et immobiliers de l’ancien Président et décrété des restrictions de mouvement pour plusieurs de ses proches collaborateurs. Le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), fondé et dirigé par Kabila, a quant à lui vu ses activités suspendues par le ministère de l’Intérieur, qui a dénoncé son « attitude ambiguë » face à l’occupation partielle du territoire national par des forces étrangères.

Ces initiatives ont été perçues par les proches de l’ancien Président comme une volonté manifeste de l’écarter définitivement du jeu politique dans un pays où il compte encore beaucoup de partisans. Des voix au sein de l’opposition et de la société civile s’interrogent également sur le timing de ces poursuites, alors que la coalition au pouvoir tente de consolider son emprise sur les institutions.

Un tournant dans l’histoire politique congolaise ?

Joseph Kabila, qui a dirigé la RDC de 2001 à 2019, reste une figure centrale de la scène politique. Son départ du pouvoir, dans le cadre de la première transition pacifique du pays, avait été salué comme un tournant démocratique majeur. Toutefois, les critiques n’ont cessé de croître au sujet de sa gestion du conflit à l’est, de l’enrichissement présumé de son entourage et de la militarisation de l’État sous son régime.

La procédure engagée contre lui ouvre donc un chapitre inédit dans l’histoire du pays. Si le Sénat accédait à la demande de levée d’immunité, Joseph Kabila pourrait devenir le premier ancien Président congolais à répondre de ses actes devant la justice nationale.

Pour l’instant, la date d’examen de la demande par le Sénat n’a pas encore été fixée, mais la pression s’intensifie. Dans un contexte régional explosif, cette affaire pourrait bien redéfinir les lignes de fracture de la politique congolaise. Reste à savoir si la justice, souvent instrumentalisée dans le passé, saura faire preuve d’indépendance et de rigueur dans une affaire aussi sensible que celle qui vise désormais Joseph Kabila.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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