
La RDC engage une réforme majeure de sa fonction publique : d’ici 2035, plus de 314 000 agents seront mis à la retraite selon un plan décennal. Objectif : moderniser l’administration, alléger les charges budgétaires, et restaurer l’efficacité d’un appareil d’État en crise. Un chantier ambitieux, structuré et sous haute surveillance.
En République démocratique du Congo, le gouvernement vient d’acter une décision importante : plus de 314 000 agents publics éligibles à la retraite seront progressivement mis hors service d’ici 2035. Pour y parvenir, un plan décennal structuré autour de deux mécanismes de financement a été présenté par Jean-Pierre Lihau, vice-Premier ministre et ministre de la Fonction publique. Cette réforme vise à moderniser l’administration, améliorer la gestion des ressources humaines, et redonner de la crédibilité à l’appareil étatique.
Loin d’être un simple exercice de comptabilité, la mise à la retraite massive des agents publics représente une opération stratégique dans un pays où la fonction publique est depuis longtemps minée par la surcharge, les recrutements politiques, et l’opacité budgétaire. Cette mesure vise également à répondre aux engagements pris avec les bailleurs internationaux, notamment le Fonds Monétaire International.
Un double mécanisme financier pour soutenir l’effort
Le cœur du plan repose sur deux sources de financement complémentaires. Le premier mécanisme est budgétaire et classique : dès 2025, l’État congolais versera chaque mois 20 milliards de francs congolais (environ 7,1 millions de dollars) sur un sous-compte dédié à la Banque centrale, tel que prévu dans la loi des finances 2025. Cet argent servira à financer les indemnités de départ à la retraite.
Le second mécanisme, plus innovant, prendra effet en 2026. Il s’agira de partenariats avec les banques payeuses, qui avanceront les indemnités aux retraités. L’État remboursera ensuite ces avances chaque mois, à hauteur de l’ancienne rémunération des bénéficiaires. Ce système, conçu pour éviter toute charge budgétaire supplémentaire, permet de lisser l’effort financier dans le temps tout en respectant les droits des retraités.
Un défi logistique et institutionnel d’envergure
Pour piloter cette vaste opération, une commission technique interinstitutionnelle va être mise sur pied. Elle regroupera des représentants de la Fonction publique, du Budget, des Finances, de la Présidence, de la Primature, ainsi que de la CNSSAP (Caisse nationale de sécurité sociale des agents publics de l’État). Sa mission sera de coordonner les départs à la retraite tout en assurant la solvabilité de la caisse de pension.
Cette approche veut éviter les erreurs du passé, notamment les recrutements massifs sans couverture budgétaire réalisés entre 2017 et 2018, période durant laquelle près d’un million d’agents ont été enrôlés sans programmation. Aujourd’hui, l’administration compte encore plus de 1,4 million d’agents. La mise à la retraite est donc vue comme un levier pour rajeunir les effectifs, favoriser les avancements, et restaurer l’efficacité administrative.
Des précédents déjà engagés pour tester le dispositif
Le gouvernement ne part pas de zéro. Une première phase de mise à la retraite a déjà été lancée en 2022. Elle a permis le départ de 1 032 hauts cadres par ordonnance présidentielle, et de 5 337 autres agents par décret du Premier ministre. Parmi eux figuraient des secrétaires généraux, directeurs, chefs de division et autres agents d’exécution, dont certains ont été admis à l’éméritat ou promus honorifiquement.