RDC : l’auditeur général des FARDC demande au Sénat la levée de l’immunité de Joseph Kabila


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L'ancien président congolais Joseph Kabila
L'ancien président congolais Joseph Kabila

Un tournant judiciaire majeur vient de s’ouvrir en République démocratique du Congo (RDC). Le lieutenant-général, Lucien-René Likulia Bakumi, auditeur général des Forces armées congolaises, a officiellement saisi le bureau du Sénat afin de solliciter la levée de l’immunité parlementaire de Joseph Kabila Kabange, ancien président de la République et actuellement sénateur à vie. Cette démarche s’inscrit dans le cadre de poursuites lancées contre l’ex-chef de l’État, accusé de « trahison, crimes de guerre et crimes contre l’humanité » en lien avec le conflit dans l’est du pays.

Joseph Kabila sera-t-il jugé dans le pays qu’il a présidé pendant 18 ans ? Les autorités judiciaires congolaises semblent vouloir donner suite à la requête du ministère de la Justice qui, il y a quelques jours, instruisait l’auditeur général des FARDC et le procureur général près la Cour de cassation à l’effet d’initier des actions à l’encontre l’ancien Président contre qui pèsent de lourdes accusations. Le Sénat, dont Joseph Kabila est membre à vie en sa qualité d’ancien président de la République, vient d’être saisi d’une requête en vue d’obtenir la levée de l’immunité de l’ex-dirigeant.

Des accusations graves et une procédure exceptionnelle

C’est à la suite d’injonctions du ministre d’État, ministre de la Justice et garde des Sceaux, Constant Mutamba, que l’auditeur général a enclenché la procédure. Selon un communiqué du ministère de la Justice en date du 18 avril 2025, Joseph Kabila est poursuivi non en sa qualité d’ancien chef de l’État, mais en tant que sénateur. Cette précision juridique vise à faciliter l’action judiciaire, les anciens Présidents bénéficiant de protections spécifiques, notamment en matière d’immunité.

D’après le ministre Mutamba, les autorités judiciaires disposent d’un « maximum de preuves » attestant de l’implication directe de Joseph Kabila dans les massacres survenus dans la partie orientale du pays, théâtre de violences récurrentes imputées au mouvement armé M23, soutenu par le Rwanda. Le gouvernement congolais accuse désormais ouvertement l’ancien Président d’avoir « participé activement à l’agression rwandaise » à travers ce groupe rebelle rebaptisé AFC/M23.

Des mesures drastiques déjà en cours

En plus de la procédure judiciaire, plusieurs mesures coercitives ont été prises. Le ministère de la Justice a ordonné la saisie de l’ensemble des biens mobiliers et immobiliers appartenant à Joseph Kabila. Par ailleurs, des restrictions de mouvement ont été imposées à certains de ses proches collaborateurs, eux aussi soupçonnés d’être impliqués dans ce que Kinshasa qualifie désormais d’« affaire de haute trahison à l’égard de la nation ».

Dans une décision parallèle, le ministère de l’Intérieur a suspendu les activités du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), formation politique fondée et dirigée par M. Kabila. L’exécutif reproche à l’ancien Président une « attitude ambiguë » face à l’occupation d’une portion du territoire national par des forces étrangères. En particulier, son récent “déplacement” à Goma, ville tombée sous le contrôle du M23, a suscité l’indignation à Kinshasa.

Un précédent historique

Cette initiative judiciaire contre un ancien Président encore influent représente un précédent historique en RDC. Joseph Kabila a dirigé le pays de 2001 à 2019, après l’assassinat de son père, Laurent-Désiré Kabila. Son règne de 18 ans, ponctué de controverses et d’accusations de corruption, avait laissé place à l’actuel Président Félix Tshisekedi dans un climat politique tendu.

La procédure enclenchée par l’auditorat militaire pourrait avoir de lourdes conséquences dans le paysage politique du pays. Si le Sénat donnait suite à la demande de levée d’immunité, Joseph Kabila serait être le premier ancien chef d’État congolais à comparaître devant la justice nationale pour des faits d’une telle gravité.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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