Élection de la RDC au Conseil de sécurité de l’ONU : au-delà du symbole, quels enjeux pour Kinshasa ?


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Vital Kamerhe
Vital Kamerhe

L’élection de la République Démocratique du Congo comme membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies pour le mandat 2026-2027 constitue un succès diplomatique incontestable pour Kinshasa. Avec 183 voix sur 187 États votants lors de la 79e session de l’Assemblée générale de l’ONU, la RDC a obtenu un appui massif, qui traduit un regain d’intérêt international pour ce pays d’Afrique centrale longtemps cantonné à un rôle marginal sur la scène multilatérale. On comprend alors aisément que cette élection suscite une flopée de réactions au pays de Félix Tshisekedi. Mais au-delà de la jubilation, que signifie réellement cette victoire, et quelles responsabilités en découlent ?

Depuis l’élection de la RDC en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, les réactions s’enchaînent à Kinshasa. En dernier, celui du président de l’Assemblée nationale congolaise, Vital Kamerhe, qui a profité de la plénière de ce mercredi pour opiner sur cette question d’actualité.

Une victoire diplomatique à forte portée symbolique

Présentée comme une « réparation morale et psychologique » par le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, cette élection revêt un caractère hautement symbolique pour un pays souvent perçu comme instable, miné par des conflits récurrents dans sa partie orientale, et en quête de reconnaissance internationale. Pour le chef de la chambre basse du Parlement, le vote quasi unanime des États membres démontre que « la cause congolaise est noble et entendue ».

De fait, la RDC n’était plus apparue au Conseil de sécurité depuis le début des années 1990. Sa dernière élection remonte à 1990-1991 après celle de 1982-1983. Son retour intervient dans un contexte où la diplomatie congolaise cherche à se repositionner, multipliant les initiatives dans les forums régionaux et internationaux. L’appui obtenu témoigne aussi d’un alignement tactique des intérêts entre Kinshasa et plusieurs partenaires internationaux, sensibles à la stabilité de ce pays-charnière au cœur du continent.

Une posture nouvelle, des responsabilités accrues

Mais être membre du Conseil de sécurité, fût-ce de manière non permanente, ne se résume pas à un triomphe symbolique. Cette élection place la RDC face à des responsabilités nouvelles, notamment sur les dossiers de paix et de sécurité internationale. Elle devra prendre position, parfois dans l’urgence, sur des conflits internationaux, des sanctions, ou des résolutions engageant des opérations militaires. En retour, Kinshasa pourra faire entendre sa voix dans les débats sur les questions africaines, à commencer par celles qui touchent la région des Grands Lacs et qui, par conséquent concernent directement la RDC elle-même.

S’exprimer sur la scène onusienne suppose toutefois une diplomatie structurée, crédible et constante. Si la RDC veut peser, elle devra dépasser la posture de victime pour assumer celle d’un acteur capable de proposer, de négocier et d’initier des dynamiques de consensus, notamment sur les enjeux sécuritaires qui la touchent directement.

Une opportunité pour réorienter la diplomatie congolaise

Cette avancée intervient dans le sillage d’une autre réussite : l’élection de la RDC au Conseil des droits de l’Homme pour la période 2025-2027. La double présence dans ces deux organes majeurs des Nations unies offre une occasion rare de repositionner la RDC comme un interlocuteur sérieux et réformateur, à condition que les discours s’accompagnent d’efforts internes sur le plan des droits humains, de la gouvernance et de la justice.

Vital Kamerhe a appelé à « faire de la diplomatie ». Le défi est de taille : il faudra professionnaliser le corps diplomatique, renforcer les capacités de l’État à produire des analyses stratégiques, et coordonner les messages portés au nom du pays. Autant de tâches rendues complexes par les tensions politiques internes et les défis budgétaires.

Un test pour la crédibilité internationale de Kinshasa

Si la RDC parvient à assumer pleinement ce mandat, elle pourrait non seulement redorer son image, mais aussi jouer un rôle plus actif dans les grandes négociations internationales, y compris celles sur le climat, les migrations ou la réforme des institutions multilatérales. À l’inverse, un mandat passif ou incohérent serait perçu comme un gâchis et alimenterait les critiques sur l’inadéquation entre les ambitions diplomatiques et les réalités de gouvernance à Kinshasa.
au total, l’élection de la RDC au Conseil de sécurité de l’ONU est à la fois une reconnaissance internationale et une mise à l’épreuve. Le pays dispose de deux ans pour démontrer qu’il peut être plus qu’un réceptacle de résolutions sur la paix en Afrique : un véritable acteur de la sécurité collective mondiale.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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